20 Questions avec David Suzuki
Pour la grande majorité de Canadiens, le nom de David Suzuki est étroitement lié à l’environnement et la protection de la nature. Suzuki est un pionnier, un leader et un activiste pour l’environnement et l’a été toute sa vie.
Ma première rencontre avec Suzuki date d’il y a environ 20 ans, alors qu’il était venu à mon école de filles pour faire un discours sur la conservation. Le point de sa présentation qui m’est toujours resté était que son ménage ne produisait qu’un petit sac de poubelle par mois. J’étais sous le choc; comment une famille entière pouvait-elle produire si peu de déchets? La même quantité que je produis dans ma cuisine presque tous les jours! Depuis, j’ai toujours été plus consciente des déchets quotidiens que je produis et j’essaie constamment d’en réduire la quantité. Je ne sais pas si j’y arriverais un jour; seul l’avenir nous le dira.
David Suzuki a consacré sa vie à sensibiliser les gens vis-à-vis l’empreinte carbone qu’ils laissent derrière eux et l’état critique dans lequel notre planète se trouve. Il est difficile pour les gens de se sentir concernés face à ces sujets difficiles et leurs conséquences désastreuses. La chose que l’on puisse faire est de continuer d’essayer. Les vingt questions suivantes ont été choisies de manière à montrer une facette différente de David Suzuki et de son image publique.
Quelle est votre idée du parfait bonheur?
Être avec mes petits-enfants et mes enfants. Un des voyages les plus heureux de ma vie est lorsque mes deux filles, leurs maris, leurs enfants et moi sommes allés à Moorea, près de Tahiti, pour trois semaines. Il n’y a eu aucun désaccord ni aucune chamaillerie, tout le monde s’est bien entendu et nous étions dans l’océan tous les jours. Pour moi, c’était le bonheur absolu.
Quel est votre plus grand regret?
Je pense souvent, j’ai eu un nombre d’offres, de postes au gouvernement, d’opportunités politiques, et j’ai toujours refusé. Maintenant, j’y repense et me dit « Ça alors, j’aurais peut-être pu avoir un impact il y a 20 ans ». C’est un regret que j’ai, je n’ai pris la politique assez au sérieux.
J’ai lu vos derniers articles depuis que Trudeau est au pouvoir et vous semblez lui accordez beaucoup de confiance. Vous pourriez peut-être encore vous impliquer?
Et bien, il m’a appelé tout de suite après avoir été élu et m’a demandé « On est amis, oui?
Plutôt intense [rires].
C’est parce que j’avais eu une petite prise de bec avec lui il y a un moment, j’ai dit qu’il semblait ne pas savoir sur quel pied danser. Il n’avait pas vraiment de direction nette par rapport à la question environnementale. Il a été formidable et maintenant, vous voyez, des décisions difficiles devront être prises. Mais il a fait plusieurs bonnes nominations et je suis très optimiste, surtout si on compare aux dix dernières années, avec Harper. Franchement, c’était une période très sombre.
Vous avez toutefois critiqué Trudeau de ne pas être assez dur.
Il a fait juste sur de nombreux points et il doit jongler entre les politiques provinciales. Mais la réalité est telle qu’en décembre à Paris, et un engagement face à une hausse de 1,5 degré signifie qu’il faut se délester des combustibles fossiles très très rapidement. Ça n’a donc pas de sens de débattre encore des pipelines, alors qu’il ne devrait pas y avoir de pipeline du tout! Il ne devrait plus être question de pipelines, de prolongement de voie ferrée ou de ports à charbon. Nous devrions travailler sur les énergies renouvelables, mais si vous dépensez des millards de dollars pour un pipeline, vous devrez vous en servir des années durant. Nous devons cessez d’utiliser du pétrole, point. Le débat devrait être clos.
Exactement. C’est très frustrant que les grandes entreprises tentent encore de promouvoir leurs programmes de pétrole avec les pipelines et les sables bitumineux, alors qu’en réalité, ils devraient s’efforcer à passer à de nouvelles formes d’énergie plutôt que d’épuiser des ressources déjà appauvries.
Je n’arrête pas de dire aux entreprises de combustibles fossiles «Bon, vous êtes des entreprises d’énergie, pas des entreprises de pétrole, vous êtes des entreprises d’énergie et vous pouvez sûrement adopter l’énergie du 21e siècle, qui se doit d’être une énergie renouvelable. Éolienne, solaire, géothermique, telles sont les possibilités. Arrêtez d’agir comme si vous n’étiez que des entreprises de pétrole et que le pétrole est la seule chose que vous produisez. Vous produisez de l’énergie, point.
Quelle est votre plus grande réussite?
Mes enfants. Sans le moindre doute. Je suis très fier de mes enfants, ils sont tous de bons citoyens, ils sont bien éduqués et je crois qu’ils sont le futur, qu’ils se préoccupent de leur pays et de leur communauté. Je suis très fier d’eux.
Qui ou qu’est-ce qui vous inspire?
Encore une fois, mes petits-amis. Je les regarde et ils débordent d’innocence. Ils n’ont pas demandé à naître, mais étant nés ils apportent tant de joie. Lorsque je les regarde et que je vois le monde dans lequel ils vont grandir, à cause de ma génération et les boomers qui ont suivi, nous avons fait la fête comme s’il n’y avait pas de lendemain, on se disait « oui super, expansion expansion expansion » et on a épuisé ce qui revenait de droit à nos petits-enfants. De l’air pur, de l’eau potable, des forêts et des océans débordant de poissons. Tout cela est maintenant disparu. Ça m’inspire dans la mesure où j’ai une énorme obligation de faire tout ce qui m’est possible pour améliorer leurs perspectives d’avenir. Ils sont donc ma source de motivation et d’inspiration.
Quel héros imaginaire admirez-vous le plus?
Don Quichotte. Il se battait contre des moulins à vent et tout le monde se moquait de lui, mais c’était un homme qui continuait d’essayer. Il croyait se battre contre des monstres et pensait qu’il faisait le bien, et je me sens comme Don Quichotte, alors je suppose que je l’admire.
Alors, il est où votre cheval?
[Rires].
Je me demande si vous vous déplacez à Vancouver en calèche? Vous n’auriez pas à brûler de combustibles fossiles!
[Rires]. Oui, je pourrais bien faire ça!
Quelles qualités appréciez-vous le plus chez les autres?
L’engagement. J’admire les gens qui s’engagent à faire quelque chose et y consacrent leur vie.
Quel est votre état d’esprit à ce moment précis?
Ça oscille. Ça passe du grand désespoir à l’espoir. Je suis d’humeur changeante parce que le désespoir n’accomplit rien, c’est très débilitant, mais lorsque je remarque ce que les politiciens pourraient faire et vois plutôt une réticence à agir, je ressens du désespoir. Je repense à 1988, quand tous les comités permanents pour l’environnement et de l’économie au Parlement ont dit que le réchauffement planétaire représentait la plus grande menace à la survie de la race humaine, outre une guerre nucléaire, et ont déclaré que nous devions agir. C’était en 1988. Pensez à ce que nous aurions pu accomplir si nous avions pris la chose au sérieux et avions posé des gestes. Les compagnies de pétrole se sont mises à dépenser des millions de dollars en disant que ce n’était que de la foutaise, de la pseudo-science, qu’une période naturelle de réchauffement. Même si nous le savons maintenant, eux le savaient depuis plus de 20 ans, leurs propres chercheurs leur avaient dit que brûler des combustibles fossiles causait le réchauffement de la planète. L’industrie du pétrole a donc fait exactement ce que l’industrie du tabac a fait durant des années: nier, nier nier. Fumer ne cause pas le cancer – même s’ils savaient la vérité. Ça me désespère. Mais ce qui me redonne espoir est de voir tous ces groupes, à travers le monde, qui s’efforcent ardemment de se diriger vers un avenir durable; c’est bien ce que j’espère. Que beaucoup de gens y travaillent, je suis certain que ça va rapporter.
Ce qui est très intéressant de votre point face au gouvernement prenant conscience du problème en 1988 est que le monde n’a non seulement même pas essayer de ralentir depuis cet avertissement, mais a plutôt accéléré les choses pour, au final, exacerber le problème.
Voilà le drame. Nous n’avons pas réduit nos émissions, même si c’était ce que devait faire Kyoto en 1997. Kyoto devait s’entendre sur le fait que les pays riches réduiraient leurs émissions d’ici 2012; nous ne l’avons pas fait.
Très triste qu’on on se dit que nous sommes en 2016 et que ces objectifs n’ont pas du tout été atteints.
Exactement. Mais vous savez, il y a de superbes exemples de ce qui peut être accompli, avec la Suisse, le Danemark, l’Allemagne, le Bhoutan. Il y a des pays qui ont fait de réels avancées et c’est au reste du monde à suivre leur exemple.
On vous connait tous en tant qu’environnementaliste, quelle est la chose que vous aimez le plus faire, sans lien avec la protection de l’environnement?
Et bien! Jusqu’à tout récemment, j’adorais le ski alpin, mais je suppose que j’aime les randonnées, le camping et la pêche. Je ne suis pas un pêcheur sportif, mais je pêche pour manger. J’aime être dehors, j’aime attraper le poisson, mais je ne fais pas de pêche avec remise à l’eau; j’attrape pour manger et si ce n’est pas pour manger, je ne pêche pas.
Si vous pouviez vivre n’importe où, où cela serait-il?
Je vis dans la même maison depuis 40 ans, alors vous pouvez imaginez que j’adore cet endroit. J’en ai vraiment fait mon chez-moi et je suis tout près de l’eau à Vancouver et j’adore cette maison. J’ai aussi un chalet, qu’on a maintenant depuis plus de 20 ans, sur une île du Pacifique où j’espérais vivre après ma retraite… mais je crois qu’il est trop tard pour déménager. Mais j’adore Vancouver, j’adore ce coin, alors pourquoi est-ce que j’irais ailleurs.
Quel est votre artiste préféré?
Mon artiste préféré se doit d’être ma soeur, qui a été une artiste sans le sou toute sa vie, mais qui m’a vraiment fait découvrir l’art. Elle m’a dit « Arrête d’être si coincé, si tu aimes ça, et bien c’est tout ce qu’est l’art, précisément ce qu’on aime. Arrête d’essayer de tout interpréter, c’est simplement accroché là, l’artiste fait son truc et c’est à toi de décider ce que tu retires de cet art.» Elle était une artiste très engagée qui a lutté pour survivre toute sa vie, mais elle est restée fidèle à son choix.
Selon vous, quelle est la plus grande menace pour l’environnement canadien et pourquoi?
On me demande toujours cette question. C’est le réchauffement planétaire, le déboisement, l’acidification des océans, et je répond que vous savez que tous ces facteurs sont importants et que je ne sais pas lequel portera le coup fatal, mais la cause sous-jacente de tous nos problèmes est l’esprit humain. C’est ce que nous voyons and croyons du monde qui nous entoure. Par exemple, je suis allée dans un village péruvien où les gens vivent sur le flanc de la cordillère des Andes. On apprend aux enfants que cette montagne est un « Apu”, Apu voulant dire dieu, et qu’aussi longtemps que le village sera à l’ombre d’Apu, il décidera de leur destin. Vous pensez ensuite à la manière dont un enfant de ce village traitera cette montagne comparé à un enfant de Revelstoke en Colombie-Britannique dans les Rocheuses, qui s’est dit toute sa vie « Je parie que ces montagnes sont pleines d’argent et d’or. » La manière dont nous regardons le monde modèle la manière dont nous nous comportons face à ce dernier. Une forêt est-elle un bosquet sacré ou simplement une occasion pour du bois d’oeuvre et de la pâte à papier? Une rivière est-elle le système circulatoire de la terre ou simplement une source d’irrigation et d’énergie? Le sol est-il une communauté d‘organismes vivants ou de la poussière? Une autre espèce est-elle notre parent biologique ou est-ce une ressource? Notre maison est-elle notre chez-soi ou juste une valeur immobilière? Des nos jours, nous regardons le monde d’une façon qui nous rend extrêmement destructeurs et c’est pour cela que j’ai passé autant de temps à collaborer avec les Premières nations: des peuples indigènes de partout à travers le monde parlent de leur environnement comme de leur chez-soi, ils vivent grâce à la Terre Mère et sa générosité, qui donnent de l’air pur, de l’eau potable, des bons aliments, des terres fertiles et de l’énergie propre. C’est de cette manière que nous devons regardez le monde, sinon quoi nous sommes motivés par un programme économique qui nous dicte de prendre de l’expansion, d’obtenir plus, d’utiliser toutes les choses qu’on voit, et c’est ce qui détruit la planète. Le défi est donc l’esprit humain, ainsi que notre système de croyances et de valeurs, et c’est très difficile à changer.
C’est ce qui me perturbe, ce dont nous parlions plus tôt au sujet de l’espoir et du désespoir, comment peut-on se mesure à changer l’opinion des gens, de tous ces consommateurs, alors que des publicités surgissent de partout, que les messages subliminaux axés vers la consommation prennent de l’expansion. Ça me surprend lorsque j’entend parler des recherches effectuées au Japon, où les chercheurs peuvent carrément mesurer l’influence positive qu’a la nature face à des troubles comme le stress, l’anxiété, les troubles d’attention et la dépression, en plus de la santé globale mentale d’une personne. Des vrais chiffres et résultats peuvent démontrer qu’une personne sera plus heureuse et plus en santé si elle passe un temps considérable dans la nature. Nous ne prenons pas le temps de penser au fait que la nature n’est pas seulement là pour nous donner de la nourriture, de l’eau et du pétrole, mais que si nous prenons un moment pour l’apprécier au-delà de nos besoins essentiels, nous pouvons en bénéficier et elle peut faire de nous de meilleures personnes.
Exactement. Nous ne comprenons pas. Nous avons besoin de la nature pour notre équilibre mental et physique. Des tonnes de livres mesurent exactement ce qu’est cet l’impact. Je vous dis, Emma’ ce qui me dérange vraiment est que la plupart des enfants canadiens et américains vivant dans des grandes villes. L’enfant canadien moyen passe moins de 8 minutes dehors par jour, mais plus de 6 heures devant un écran, que ce soit un téléviseur, un ordinateur ou un iPhone. Nous devenons de moins en moins connectés à la nature.
Je suis entièrement d’accord avec vous. Je suis née en 1986, donc à l’aube du boum technologique. J’ai eu la chance d’avoir une enfance dépourvue d’écran, avant que la technologie change durant mon adolescence et fasse partie intégrante de ma vie depuis. Je tout de même trouve difficile de se sentir des affinités avec une personne de 19 ans qui n’a jamais été sans un écran devant le visage.
[Rires]. Vous savez, nos parcs nationaux sont en pleine période de crise, parce que les gens n’y vont plus. Ils veulent le Wi-Fi partout.
Si nous sommes aussi dépendants de notre planète, pourquoi sommes-nous aussi réticents à la sauver?
Nous avons perdu contact avec le vrai monde. Comme je l’ai dit, la plupart d’entre nous vivons dans de grandes villes, y compris les habitants de pays en développement. Dans une grande ville, nous pensons que la plus grande priorité est notre emploi. Parce qu’on travaille pour avoir de l’argent pour acheter les choses qu’on désire, on place plus d’importance sur l’économie que sur les choses qui nous gardent en vie. Quand Harper était Premier Ministre et disait sans cesse « On se peut pas se permettre de faire quoi que ce soit contre le changement climatique parce que ça détruirait l’économie », il préférait l’économie à ce qui assure notre survie. Selon moi, c’est le problème principal et ça revient encore à notre système de croyance et de valeurs: on ne voit pas que notre bien-être dépend de la nature.
Dites-nous une chose qu’un canadien typique pourrait changer dans son quotidien qui aurait l’impact le plus positif sur notre environnement?
Il y a un grand nombre des choses que nous pouvons faire, mais il y a une suggestion apportée par une femme qui m’avait écrit il y a de cela plusieurs années pour me dire: pourquoi ne pas faire comme ils font en Suisse, qui est de demander à chaque individu de ramasser un morceau d’ordure par jour, durant sa journée. Un morceau seulement! Si vous avez 35 millions de canadiens qui chaque jour, ramassent un déchet, c’est tout un impact. Je pense que c’est une idée géniale, c’est facile, c’est simple, et beaucoup d’entre nous le font plus d’une fois. L’autre chose est de sortir de sa voiture! Si vous pouvez prendre un bus, marcher, faire du vélo ou du patin à roulettes, sortez de votre voiture! Nos corps ont évolué pour bouger, pour être actif, alors pourquoi faisons nous les choses à l’opposé de ce que nos corps ont besoin? Nous avons tous ces dispositifs d’économie d’énergie, mais ils ne nous rendent pas sains, alors moi je dis de sortir dehors et de bouger.
Quel est votre bien le plus précieux?
Je me questionne souvent là-dessus, s’il y avait un incendie et que notre maison était en flammes, qu’est-ce que j’essaierais de sauver. Je vais vous dire, avec toute franchise, que c’est les albums de moments en familles. Les souvenirs sont ce qu’il y a de plus précieux.
Quelle est la chose la plus folle qui vous soit arrivé à une soirée?
[Rires]. Mince alors, je ne pense jamais à de telles choses… la chose la plus folle est quand j’ai dit à ma femme, je pense qu’elle allait avoir 50 ans ou peut-être 60, que je l’invitais au restaurant, mais nous avions organisé une fête surprise chez mes parents. Nous sommes entrés, j’ai dit que nous devions arrêter chez eux pour voir ma mère et mon père et récupérer une clé, et tout d’un coup, des tas de gens sont sortis de nulle part. Tara n’arrivait pas à comprendre, elle avait hâte d’aller au restaurant avec moi et ne cessait de répéter « Que font tous ces gens? Quoiiii? Pourquoi crient-ils? » et ça lui a pris plusieurs minutes avant que son cerveau ne fasse le déclic entre la surprise et le fait que j’avais réussi à lui faire croire qu’on allait souper, c’était vraiment rigolo.
Quelle est votre plus grande peur?
Je ne sais pas, je suppose de ressentir… Non, en fait je dirais de perdre l’esprit. La démence. Ma mère et ses frères et soeurs sont tous morts de démence. Ma mère est décédée à 74 ans, âge que j’ai largement dépassé, et mon père avait gardé toutes ses facultés mentales jusqu’à sa mort, mais parce que pour moi le cerveau, mon cerveau est tout pour moi. Si je perd mon esprit et bien c’est la fin.
Qu’est-ce qui vous fait sentir le plus spirituel, que cela soit une personne, une chose ou un lieu?
Je suppose que c’est lorsque je vais à mon chalet, qui est sur une île comme je l’ai dit tout à l’heure, avec 10 acres à même l’océan. Quand je vais à la pointe, à un point dans les eaux, il y a plus bas un « lokiway », ne me demandez pas de l’épeler, ou ce qu’on appelle un jardin de palourdes. Durant des centaines d’années, les Premières nations qui vivaient dans la région plaçaient des pierres dans l’eau et les marées qui apportaient du sable et des coquillages leur ont permis de créer un environnement propice à la culture des palourdes. Ce n’est que dans les 20 dernières années que nous avons réalisé qu’ils avaient été construits par des êtres humains. On a toujours cru que ces Premières nations n’avaient pas vraiment de culture parce qu’ils n’avaient pas d’agriculture, mais le fait est qu’ils faisaient l’exploitation agricole de l’océan. Nous savons qu’ils cultivaient des plantes comestibles et des palourdes à même l’océan et qu’ils protégeaient les populations de saumons. Ils étaient fermiers d’une façon très éloquente. Lors que je regarde le tout et que je réalise que des générations entières de Premières nations qui occupaient cet endroit, ce que j’appelle mon domaine, ont créé ces jardins où nous récoltons maintenant des palourdes, j’ai des frissons dans le dos, parce que je prend conscience à quel point ces gens étaient profondément enracinés et l’envergure des gestes qu’ils ont posé en vue de leurs générations futures. Ça me rempli d’humilité et d’admiration…. Je suis athée, alors…
Quel est le dernier livre que vous avez lu?
J’ai presque terminé de lire un ouvrage intitulé un livre intitulé « Braiding Sweetgrass » de Robin Kimmerrer. Elle est une femme Potawatomi des Premières nations des États-Unis, mais a grandi comme une personne de race blanche. Elle a obtenu son doctorat en botanique et a par la suite assisté à un discours donné par une femme des Premières nations qui n’avait pas d’éducation, mais qui parlait de sa relation avec les plantes. Robin a été épatée par les propos de cette femme parce qu’ils lui ont fait réaliser qu’il y avait une manière d’examiner les plantes drastiquement différente de celle par laquelle elle avait été formée en tant que botaniste. Elle est donc retournée d’où elle venait, a appris la langue traditionnelle, ainsi que toutes ces manières de faire traditionnelles relatives aux plantes, et du coup, « Braiding Sweetgrass » est sur une façon indigène d’entrevoir notre relation avec les plantes. C’est vraiment époustouflant.
Dites nous une chose que les gens seraient surpris d’apprendre à votre sujet?
Probablement le fait que je ne regarde pas beaucoup la télévision. J’ai grandi avant la télévision: je suis parti aux États-Unis en 1954 pour le collège et aucun membre de ma famille à London, Ontario n’avait de téléviseur parce qu’il n’y avait pas de station de télévision à London en 1954. Je n’ai pas regardé la télévision durant le collège ou même l’université. J’ai acheté mon premier poste en 1962 lorsque j’ai obtenu un emploi à l’université d’Alberta à Edmonton…. Ça surprend toujours les gens.
Ce fut un honneur de parler avec vous aujourd’hui. Ma dernière question est la suivante, si les lecteurs peuvent retirer un message de cette entrevue, que serait-il?
Je pense que c’est d’être beaucoup plus réfléchi à propos de la façon dont nous vivons, et je dois ajouter, vos parents étant dans le secteur textile, une chose qui me rend complètement fou est lorsque je vois des gens qui se baladent avec des jeans plein de trous qu’ils ont payés 150 ou 200$, je me dis toujours « Mais à quel sorte d’énergumène j’ai affaire? ». Alors quand je dis d’être plus réfléchi, je ne veux pas être simpliste, je veux dire dire, par exemple, lorsque qu’on achète un vêtement et qu’on dit « J’aimerais un t-shirt en coton », est-ce qu’on demande s’il est biologique? Le coton est la production agricole la plus intense chimiquement de tout ce que nous cultivons. La question que si poserait ensuite serait « Où est-il cultivé? » Vous savez, la plus grande zone de production de coton se trouve en Eurasie, entre la Russie et la Chine, et la région est un désastre écologique dû à la quantité de produits chimiques utilisée, mais on n’y songe jamais. C’est plutôt « je veux acheter un t-shit » et si on achète une voiture, un poste de télévision ou un ordinateur, est-ce qu’on demande « Vous savez que l’exploitation minière est une activité très destructrice; d’où proviennent les métaux qu’on trouve dans ces produits? Quel est l’impact de l’exploitation minière sur la population? ». Nous devons être plus réfléchis par rapport à notre mode de vie; nous vivons d’une manière qui est vraiment déconnectée du monde qui nous donne tous ces produits. Voilà le dernier conseil que je partagerais aujourd’hui.
Photos avec l’aimable autorisation de la Fondation David Suzuki
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