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Conversations avec nos relations: Duane Isaac

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Photo: Duane Isaac

Aani! Dolly Berlin ndizhinikaas.(Bonjour! Je mappelle Dolly Berlin) 

Je suis une showgirl burlesque, productrice d’événements et fière femme queer/Bi+ dorigine ojibwée basée à Tkaronto. Depuis le début de l’année 2021, je collabore avec Never Apart pour vous présenter cette chronique mettant en lumière quelques-unes des personnes autochtones bispirituelles et queer qui se distinguent dans le monde des arts.

Bien que je passe actuellement une grande partie de mon temps dans un nouveau poste à temps plein loin de la scène, mon cabaret hebdomadaire est de nouveau opérationnel. Cest certainement étrange de passer dun masque et dune visière à lextérieur de la maison il y a seulement quelques mois à un travail avec le public dans un environnement où les clients peuvent retirer leurs masques à la table à côté de moi. Pour citer les paroles immortelles de Valentina, « Jaimerais bien le garder, sil vous plaît. »

Mais au-delà du morceau de tissu sans lequel je ne quitte jamais la maison, jai toujours aimé les masques de théâtre et de déguisement. Même un petit cache-œil digne dun bandit ou un masque de mascarade ajoute un air de mystère. Et bien sûr, nous arrivons à la meilleure période de lannée, la saison de l’épouvante! C’était donc le moment idéal pour discuter avec Duane Isaac, l’artiste photographe Migmaq bispirituel. « Jaime pousser les choses jusqu’à lextrême », dit Duane lorsque je lui fais remarquer que son travail me rappelle des personnages de bandes dessinées. En plus des images de belles personnes, Duane réalise et photographie des masques complexes qui souvent recouvrent complètement le visage du sujet. Les images sont étonnantes et parfois un peu troublantes. Avec une variété de décorations telles que de l’écorce de bouleau, des franges, des fleurs et des couches daccessoires, la combinaison du masque, du mannequin et de la photographie est complètement inattendue.

Allons discuter avec cette force créative!

Photo: Duane Isaac

Salut Duane, présentez-vous!

Ouh, ça me rappelle la rentrée scolaire. Donc, je suis Bélier…

Je mappelle Duane Isacc, je suis originaire de Listuguj au Québec et je suis photographe. Voilà les grandes lignes.

Votre site présente un catalogue assez important de créations, quil sagisse de masques ou dautres photographies. Quest-ce qui est venu en premier?

La photographie a été la première chose avec laquelle jai expérimenté. La plupart des photographes sont là pour capturer quelque chose qui existe déjà, alors que je voulais être à l’originaire de limage. Cest comme ça que la création de masques a commencé. « Comment est-ce je peux pimenter ma pratique? »

Jaimerais en savoir plus sur lorigine de vos masques. Comment avez-vous commencé?

J’étudiais au collège Dawson et nous avions beaucoup de temps libre en studio. À l’époque, je faisais surtout des photos pour les poster sur tumblr; je me suis beaucoup investi dans la communauté tumblr pendant un certain temps. Je faisais une petite séance photo avec des amis et je mettais les images en ligne, puis je me suis demandé comment sublimer mon travail ou le rendre plus attrayant visuellement. Jai acheté un masque dHalloween générique chez Dollarama et jai décidé de lembellir et de le repeindre. Ça a commencé comme ça et ensuite jattendais un an jusquau prochain inventaire dHalloween. Pourquoi? Je devais trouver un moyen de les fabriquer à partir de rien. Jai dû me permettre de les faire toute lannée au lieu dattendre une fois par an. Cest maintenant tout à fait naturel pour moi, je pourrais en faire un les yeux fermés. Cela me vient facilement, comme toutes les choses qui se font avec la répétition et la pratique.

Photo: Duane Isaac

Les voyez-vous plutôt comme des pièces dart portable, des sculptures ou des muses pour la photographie? 

Ils sont en quelque sorte les trois; des sculptures, des accessoires et cest vraiment lorsque la photo est prise quils prennent vie. Ils prennent une personnalité qui dépend de lhumeur quils évoquent, de la façon dont je prépare la prise de vue et du montage. Tout dépend des sentiments et de lesprit qui sen dégagent. 

Beaucoup de vos masques ont une touche sombre ou sinistre. Aimez-vous lhorreur et le macabre en général?

On sent bien les influences de lhorreur. Je veux invoquer à la fois le naturel et le contre nature, et les éléments plus démoniaques et sinistres viennent certainement de mon amour de locculte, du paranormal et du genre de lhorreur.

Jimagine que se retrouver seul à travailler sur ces masques peut être presque effrayant.

Jai tendance à meffrayer moi-même. Je travaille sur quelque chose, je le regarde et je me dis « Mon Dieu, quest-ce qui ne va pas chez moi? ». Cest presque comme un exercice dexorcisme où je prends toutes les mauvaises ondes et les mets dans une œuvre dart. Je travaille dans une école primaire et secondaire et quand je publie des œuvres en ligne, des collègues me disent : « Quest-ce qui se passe dans ta tête? Jadore celui-ci, mais celui-là me fait peur, je suis un peu inquiet pour toi ». Mais je jure que je vais bien!

 

Je me plais à imaginer que vous avez une pièce entière dont les murs sont recouverts de rangées et de rangées de masques.

En gros, ils sont empilés sur toutes les surfaces disponibles. Ils sont soigneusement superposés comme du Tetris sur le haut de mes armoires. Les plus complexes doivent aller sur le dessus de la pile.

Avez-vous des coups de cœur ou des favoris dans le domaine de lhorreur?

Jeune, ma série de films dhorreur préférée était Frissons. Jai limpression que cest un film qui correspond à mon groupe d’âge… et il y avait des masques! Jaime les légendes urbaines creepypasta. Jadore toutes les vidéos Youtube branlantes où une personne entre en courant dans une maison dite hantée… et où une porte claque. Lazy Masquerade diffuse des histoires courtes que les gens soumettent. En gros, tout r/nosleep. No Sleep est quelque chose que jai toujours hâte de lire, certaines histoires sont nulles, mais celles qui ont de bons auteurs sont intéressantes. Jaime aussi les films de clowns vintage. Il existe un film dhorreur, pas le meilleur, qui sappelle Clown at Midnight. En gros, des étudiants doivent nettoyer un vieux théâtre et ce clown aux allures de pagliaccio commence à les traquer dans le théâtre et les tue tous un par un. Et dernièrement, jai lu un livre génial intitulé Clown in a Cornfield Clown par Adam Cesare. Un clown est la mascotte de cette ville et bien sûr, ça tourne à lhorreur. Un clown dans un champ de maïs… cette phrase est effrayante. Un clown là où il na pas lieu d’être est immédiatement effrayant.

Photo: Duane Isaac

Parlons inspiration : comment commencez-vous à travailler sur une pièce? Quest-ce qui vous inspire?

Cest un peu comme si javais un pressentiment sur une certaine idée et que je me disais « voyons comment ça pourrait fonctionner ». La plupart du temps, je me promène et je vois quelque chose et je me dis que je pourrais probablement faire quelque chose avec ça pour un projet. Jai récemment commencé à fabriquer mes propres moules en silicone. Avant, je devais acheter 3 ou 4 exemplaires de chaque article pour avoir assez de pièces pour créer quelque chose. Maintenant, je peux le dupliquer avec de la colle thermofusible ou de la résine. Je crois que le matériel le plus cher que jutilise est une argile en mousse qui est malléable. Je peux donc l’étaler partout et elle durcit jusqu’à obtenir une belle surface lisse. Mais la plupart du temps, je me sers de colle chaude. À mes débuts, je partais dun masque à surface dure déjà fabriqué que je recouvrais dabord de papier daluminium et ensuite de colle chaude. Je me demandais comment rendre le processus rudimentaire, mais plus rapide. Jai incorporé des bandes de carton à la place de la colle, ce qui rend le masque plus léger, mais étonnamment plus solide. Jai développé une méthode qui me permet de transformer des retailles de carton en ce que vous voyez dans mes publications.

La variété des ornements que vous utilisez est stupéfiante. Quels sont vos matériaux préférés? 

En fait, il faut que le matériau minspire. Si je ne suis pas inspirée par le matériau, je narriverai à rien. Très souvent, jai essayé de forcer les choses et si ça ne vient pas naturellement, je finis par le démanteler. Dans certains cas, jai même dû repartir à zéro.

On trouve une certaine esthétique fétichiste dans votre travail, alors jaimerais avoir votre avis. Avant la pandémie, je pense que les masques étaient considérés comme un truc de kink ou peut-être de communauté cuir queer, mais maintenant on voit des célébrités porter des cagoules fétichistes lors d’événements publics. Comment voyez-vous cette évolution? 

Ce quil y a de bien avec les masques, cest quils permettent deffacer les caractéristiques qui sont déjà là; on peut être nimporte qui sous un masque. Cest aussi le genre daspect que jaime dans lhorreur. Une personne portant un masque est complètement imprévisible, on ne sait pas qui se cache en dessous ni pourquoi elle se cache. On obtient une sorte de vision plus large avec les défilés de mode en outrepassant le visage dun mannequin. Cest tout simplement un espace que nous ne monnayons pas encore vraiment. Nos vêtements montrent nos personnalités. Je suis pour que les masques deviennent plus populaires. Je vais faire ce que jai toujours fait, je ne minquiète pas du fait que ce soit grand public. Kim Kardashian pourrait faire toute une série de masques, ça ne me dérangerait pas.

Photo: Duane Isaac

Comment la pandémie a-t-elle influé sur votre travail?

Jai disposé de beaucoup de temps libre lannée dernière et jai réalisé beaucoup de masques, mais le problème est l’élément humain, les mannequins. Jaimerais bien pouvoir faire un genre dautoportrait, mais ce nest pas le cas. Lan dernier, javais quelquun qui vivait à proximité et qui pouvait venir chez moi, mais je suis maintenant plus prudent en ce qui concerne la Covid et je dois massurer que tout le monde est vacciné·e et na pas été en contact avec des cas récents. 

Jessaie d’être responsable, mais je tiens également à faire avancer les choses; cest un équilibre difficile à trouver. Jai limpression que si je ne crée pas, je vais perdre mon élan.

En revanche, ça a aussi été la meilleure année pour moi. Jai reçu l’attention de différentes publications lan dernier et jai réalisé ma première exposition cette année. Jai fait partie du QAF — je pense toujours « Queer as fuck » et je dois marrêter — soit le Queer Arts Festival. On a fait une exposition, organisée par Jeffrey McNeil-Seymour et SD Holman à la galerie SUM à Vancouver.

Ils ont fait d’énormes projections de 3 ou 4 mètres de haut sur les murs ; nous avons longtemps débattu desquelles choisir. C’était plus facile de faire des projections plutôt que dimprimer une image de cette taille. Cela offrait également plus de variété; une série dimages ne restreignait pas ma contribution.

Je vais également faire une exposition solo en février ou mars de lannée prochaine, alors je vais travailler sur de nouvelles pièces. Jespère pouvoir les photographier. Donc oui, quelques couvertures de magazines et des expositions et cela ma apporté beaucoup de positivisme, ce qui ma fait du bien.

Vous arrive-t-il de créer sur commande ou uniquement à partir de vos idées et de votre inspiration?

Pour ce qui est des masques, je naime pas copier lidée de quelquun dautre. Jessaie de faire preuve doriginalité, même si cest presque impossible de nos jours. Lidée de faire quelque chose qui représente un personnage, une personne ou une chose spécifique soulève une certaine résistance.

Et jai peur de la façon dont ils supporteront le transport. Jen ai récemment envoyé quelques-uns à une collaboratrice; cest une artiste peintre fabuleuse qui va photographier des gens portant les masques que jai faits pour elle et peindre les photos. Je pense que ce sera un projet formidable, mais jai dû demander à quelquun que je connaissais de les lui apporter en voiture. Je ne peux pas simplement les mettre dans une boîte et prier quils arrivent à bon port en un morceau.

Que faites-vous ensuite? Un projet de masque dHalloween?

Je fabrique habituellement mon masque Halloween, mais je n’ai pas trop l’inspiration. J’aurai peut-être envie de faire un masque dici quelques semaines.

Prochainement, il y aura mon exposition solo à la galerie SUM de Vancouver. Nous y travaillons en ce moment, nous discutons de ce que nous allons exposer. Les œuvres seront à la galerie, mais je publie toujours mon travail en ligne. « Suivez-moi sur Instagram! »

On vous suit!

https://www.duanedisaac.com

La boutique en ligne de Duane:

https://www.redbubble.com/people/pickledmango/shop

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