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« Je ne peux plus respirer » Ces paroles répétées trop souvent, de l’esclavage jusqu’à #BlackLivesMatter

Écrit par

Iman M’Fah-Traoré
juillet 16th, 2020

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La mort traumatisante de George Floyd ne sera pas vaine, celle de Breonna Taylor ne sera pas vaine. Notre lutte, notre guerre, est pour toutes les victimes de brutalité policière raciste. Entendez notre cri, notre rugissement, il est porté par la foi. La foi qu’un jour, il n’y aura plus de victimes. Il est de notre temps et de notre devoir de le faire savoir.

2020 —George Floyd —Breonna Taylor —2019 —Atatiana Jefferson —2018 —Stephon Clark— Botham Jean— 2016— Philanda Castille —Alton Sterling— 2015— Michelle Cusseaux – Freddie Gray— Janisha Fonville – 2014 – Eric Garner— Aura Rosser —Akai Gurley —Gabriella Nevarez —Tamir Rice —Michael Brown —Tanisha Anderson

Ces noms rendent hommage à quelques-unes des victimes de brutalité policière. Nous les lisons, nous les disons, nous les partageons, car ces victimes et leur famille sont dignes de mention. Si un seul des officiers de police présents avait donné à ces victimes le respect auquel elles avaient droit, ces victimes auraient survécu. Nous disons leur nom pour nous souvenir, nous disons leur nom pour nourrir notre passion, nous disons leur nom pour un jour ne plus avoir à en dire d’autres.

L’esclavage moderne est réel et institutionnalisé dans le soi-disant land of the free (pays de la liberté.) Le 1er janvier 1863 marque l’abolition de l’esclave et le commencement de la quête des extrémistes blancs de nouvelles manières d’ostraciser et d’enfermer les Noirs. Adopté au début de l’année 1865 et effectivement le premier d’une longue série de tactiques visant à légaliser les comportements de type esclavagiste, le 13e amendement de la constitution stipule que : « Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment condamné, n’existeront aux États-Unis ni dans aucun des lieux soumis à leur juridiction. » Si ce n’est constitue ici une porte de sortie pour asservir les inférieurs, les 3/5. L’esclavage et la ségrégation sont responsables de l’image médiatique de l’homme noir comme ennemi public. C’est pour cette raison que Nixon a réussi à assimiler la guerre contre la drogue à la guerre contre les Noirs. L’incarcération massive de personnes de couleur n’est pas un phénomène nouveau et connaît une croissance exponentielle depuis 1970. Les personnes incarcérées aux États-Unis représentent 25 % de l’ensemble de la population carcérale mondiale, alors que la population des États-Unis ne représente que 5 % de la population mondiale.

L’incarcération massive de personnes de couleur n’est pas un phénomène nouveau et connaît une croissance exponentielle depuis 1970. Les personnes incarcérées aux États-Unis représentent 25 % de l’ensemble de la population carcérale mondiale, alors que la population des États-Unis ne représente que 5 % de la population mondiale.

À l’époque où les Afro-Américains étaient considérés comme les trois cinquièmes d’une personne, ils ont été réduits en esclavage, puis arrêtés pour des délits mineurs entraînant de longues peines dans des prisons de travail ; on leur a dit où s’asseoir, où aller à l’école, où ne pas utiliser les toilettes ; on leur a donné des coups de pied et craché dessus dans la rue ; on les a lynchés dans les bois, on les a persécutés. Aujourd’hui, on considère les noirs comme des personnes à part entière, mais ils sont néanmoins contraints de vivre dans la peur, sont arrêtés pour des délits mineurs qui entraînent de longues peines, on leur dit quand s’allonger à terre avec les genoux derrière la nuque, on les étouffe, on les ignore lorsqu’ils supplient « Je ne peux plus respirer », ceux censés servir et protéger les lynchent dans la rue, le K.K.K. les chasse dans les bois, on les persécute.

Crédit: Iman M’Fah-Traoré

Le racisme systémique est au centre du développement américain. Bien que le mouvement Black Lives Matter est actif depuis 2013, il n’a jamais résonné avec autant de force. Après les meurtres de Michael Brown à Ferguson et d’Eric Garner à Staten Island, le tollé soulevé par la communauté noire et ses alliés a duré des mois. D’une certaine manière, cette fois-ci, dans le cas de George Floyd, c’est différent. Nous chantons « Assez c’est assez » dans les rues, nous pleurons dans nos maisons, nous sommes plus en colère que jamais auparavant et avons la certitude que nous gagnerons. George Floyd a été assassiné le 25 mai ; le lendemain, des manifestations ont éclaté au niveau local, et puis à travers le pays entier le surlendemain. Le 29 mai, des chefs d’accusation de meurtre au troisième degré ont été portés contre Derek Chauvin. Il a fallu quatre jours pour que l’assassin de George Floyd soit inculpé. En ce qui concerne Eric Garner, mort le 17 juillet 2014, il a fallu près de six mois pour qu’un grand jury décide de ne pas inculper son meurtrier.

Manifester ici à New York, c’est offrir à notre collectif la joie, la fierté, la compassion, la solidarité et le pouvoir.

Nous apprécions ce progrès, mais nous maintenons qu’il n’est pas suffisant et nous ne reculerons pas tant que nous n’aurons pas reçu ce qui nous est dû. Depuis leur début violent, les manifestations sont devenues plus pacifiques, la police étant contrainte de se retirer. Au tout début, les manifestant·es étaient traîné·es, battu·es, bombardé·es de fumée, aspergé·es de gaz lacrymogène… Pour la police, peu importe qu’ils/elles/illes soient jeunes ou vieux, noir·es ou blanc·hes, la simple désobéissance était suffisante pour que les uniformes justifient leur recours à la force. Aujourd’hui, la police reste en retrait alors que les manifestant·es chantent à l’unisson. Manifester ici à New York, c’est offrir à notre collectif la joie, la fierté, la compassion, la solidarité et le pouvoir. Ceux et celles d’entre nous qui le sont, sont fier·es d’être noir·es, et ceux/celles qui ne le sont pas, sont fier·es d’être des allié·es. Alors que la haine peut détruire, le bon combat rassemble.

Crédit: Ada Steinberg @66lives

À l’écoute des manifestant·es…

Ada, qui part souvent de chez elle avec des bouteilles d’eau et des collations pour les autres manifestants, nous dit que les « manifestations Black Lives Matter sont devenus une collectivité très unie et sans pareille. Nous distribuons des collations, de l’eau et du matériel sanitaire. Nous sommes unis. Nous nous entraidons. C’est la que nous prouvons à la police que nous n’avons pas besoin d’elle. Lorsque des manifestants sont aspergés de gaz poivré ou de gaz lacrymogène, les gens crient pour des serviettes de papier, du lait ou de l’eau. » Elle dénonce ensuite la mentalité raciste, homophobe, transphobe et sexiste des porcs. Elle déclare que le mouvement va persévérer dans ses efforts pour démanteler la police, car cet argent est nécessaire dans des secteurs de justice sociale. »

Claudia souligne que le progrès réside dans le fait que « le mouvement s’est internationalisé et touche maintenant tout le monde. Au cours des derniers mois, nous avons enfin admis que le racisme n’est pas un problème qui affecte seulement les États-Unis, mais au contraire qu’il persiste dans toutes les sociétés. Des manifestations ont éclaté sur chacun des continents — beaucoup d’entre elles défiant les restrictions liées au coronavirus. Des hommes et des femmes noires morts en détention policière ou dont le décès n’a pas fait l’objet d’une enquête approfondie font surface dans les médias grand public. »

Crédit: Ada Steinberg @66lives

Colombe raconte qu’être noire en Amérique, « c’est se faire sans cesse rappeler l’extérieur au lieu de l’intérieur… Les policiers tirent une grande fierté de ce sentiment de puissance que le badge semble leur offrir. Certains nous font même un sourire narquois. » Bien qu’elle se sente en pleine guerre, Colombe est rassurée de savoir qu’elle est du bon côté de l’histoire, une histoire qui saura que j’existe, une femme noire, belle, fière et queer et que je compte. »

Circé, une jeune Afro-Américaine, décrit comment « le fait d’être une personne de race mixte dans des moments comme celui-ci me rappelle mon identité noire et que peu de choses ont changé. Mon père a manifesté à Washington — le premier mouvement de défense des droits civiques remonte à peu de temps et il n’est pas non plus terminé. » Elle poursuit en expliquant « qu’être Afro-Américaine est une expérience unique et étrange. On nous dit constamment qu’on n’est pas américain ou qu’on n’est pas à notre place, mais notre culture et notre histoire ont été complètement effacées. Nous ne savons jamais vraiment D’OÙ nous venons. »

Wankee nous explique « qu’en tant qu’Afro-Latino vivant en ces temps de crise, il est plus important que jamais de soutenir nos frères et sœurs noirs alors qu’ils mènent la charge pour mettre fin au racisme systémique et à la brutalité policière ! Les manifestations jouent un rôle clé pour enfin rompre le cycle sans fin de la haine basée sur la couleur de la peau. »

Credit: Ada Steinberg @66lives

Chantez avec nous…

Protester est un moyen puissant, féroce et audacieux, non seulement pour exprimer notre sentiment, mais surtout pour réclamer ce qui nous est dû. Par des chants comme…

« À qui la rue? À nous la rue! » et « Pas de justice, pas de paix, f*** la police raciste! », nous exprimons…

En levant les mains en signe de solidarité, nous disons « Les mains en l’air, ne tirez pas! »

Par des chants comme…

« Qu’est-ce que nous voulons? La justice! Quand la voulons-nous? Maintenant! Si nous ne l’obtenons pas… Arrêtez tout! Si nous ne l’obtenons paaaaaaaas… ARRÊTEZ TOUT! », nous exigeons!

Nous avons du pouvoir quand nous crions « Je sais que nous allons gagner! » Lorsque nous regardons la police droit dans les yeux et que nous crions « Quittez votre emploi », nous nous unissons. Nous trouvons du réconfort dans le fait de savoir que nous sommes du bon côté de l’histoire.

Cette lutte est légitime, cette lutte est juste, cette lutte contre le racisme systémique en est une qui a été menée pendant des siècles. Cette fois, nous embrassons notre foi, nous embrassons l’avenir. Nous croyons que la justice prévaudra et nous ne nous arrêterons pas avant que l’égalité l’emporte.

About the Author

Iman M’Fah-Traoré est une Franco-New yorkaise. Née à Paris, elle a déménagé à New York dans sa jeunesse et s’est spécialisée en politique et gouvernance à l’université Ryerson de Toronto. Elle fréquente actuellement la New School for Global Studies à New York. L’écrivaine ivoirienne et brésilienne est impliquée au sein de The Womanity Project, une organisation à but non lucratif qui vise à promouvoir l’égalité des genres par des ateliers innovants. Elle travaille actuellement sur la publication de son premier livre de poésie. Ses écrits sont spécialisés dans les domaines suivants : LGBTQ+, deuil et traumatisme, poésie et essais sur la race et l’ethnicité.

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