close

Interview du DJ Dickey Doo avec Jamecia Bennett

Catégories

(Photo: Nagashia Jackson Photography)

Dickey Doo, DJ et producteur de musique house, a collaboré avec la chanteuse de gospel Jamecia Bennett, membre du groupe américain Sounds Of Blackness, lauréat de plusieurs prix Grammy, sur son dernier single Do What You Want. Jamecia a chanté pour le légendaire duo de production Jimmy Jam et Terry Lewis, a enregistré des chansons avec Prince, Aretha Franklin, et bien d’autres artistes.  Une connaissance mutuelle est à l’origine de la collaboration entre le DJ et producteur Dickey Doo, basé à Berlin et né au Canada, et Jamecia, la fille de la légende du gospel Ann Nesby.

 

Le single de Jamecia Do What You Want est sorti le 8 janvier 2021 sous le label Hypernatural Recordings, avec une première vidéo en ligne le 22 janvier.

 

Pour notre magazine de février, Dickey Doo s’est entretenu avec Jamecia à propos de sa carrière, de sa famille et de ses inspirations musicales.

Vous venez d’une si grande lignée musicale, comment était-ce de grandir dans une famille de musiciens et d’avoir pour mère la légendaire Ann Nesby?

Et bien, j’ai grandi dans une famille de pasteurs. J’ai grandi à l’église, en chantant, j’ai commencé à faire des harmonies avec ma mère quand j’avais quatre ans. Vous savez, Mahalia Jackson et Rosetta Tharpe étaient les Beyoncé et Rihanna de l’époque de ma grand-mère. Les gens ont comparé ma grand-mère à Mahalia et, quand ma mère a commencé à se produire, ils l’ont comparée à Aretha. J’ai su très jeune que ma mère était une reine, je savais ce que la voix de ma mère inspirait aux gens parce qu’elle était si puissante, mais dotée d’un son unique. Enfant, j’essayais toujours de l’imiter. Mes amis jouaient dehors, sautaient à la corde, faisaient du vélo pendant que j’étais assise au piano, à regarder par la fenêtre, parce que ma mère me faisait apprendre des harmonies. Elle savait ce qu’elle faisait et quelles graines elle semait en moi. Marie Graham est ma tante et les gens la comparaient à des artistes comme Gladys Knight! Elle était une des favorites du président Hubert Humphrey. Lorsqu’il est décédé, sa famille a demandé que ma tante chante à ses funérailles. Elle était très populaire dans les Villes jumelles avant que ma mère et moi n’emménagions ici. Elle a été la première à se joindre à Sounds of Blackness! Et mon oncle Jimmy, « Big Jim »! Il a été musicien pour Sounds of Blackness et a été directeur musical pour Mariah Carey et Yolanda Adams. Donc, ma mère, ma tante, mon oncle et mes cousins ont tous fait partie de Sounds of Blackness et c’est de cette manière que j’ai appris une grande partie de ce que je fais!

Donnez-nous un bref historique sur l’ensemble vocal et instrumental de musique gospel Sounds of Blackness, lauréat de plusieurs prix Grammy.

À l’origine, Sounds of Blackness faisait partie de la chorale du McAllister College. Nous sommes originaires de l’Illinois, ma mère rendait donc visite à ma tante à Minneapolis qui avait rejoint Sounds of Blackness. Cette année-là, la chanteuse vedette était absente pour cause de maladie lors d’une répétition de leur spectacle annuel de Noël. Gary Hines, le directeur musical, était présent et a demandé à ma mère d’auditionner pour le rôle. C’est ainsi que ma mère a fini par faire le spectacle! Peu de temps après, lorsqu’ils ont fait Music From Martin, le spectacle avec toutes sortes de chansons dédiées à Martin Luther King, ils ont demandé à ma mère de revenir et lui ont fait passer une audition pour rejoindre Sounds of Blackness à plein temps et nous sommes revenues à Minneapolis. Jimmy Jam et Terry Lewis se trouvaient dans l’auditoire, car ils étaient des habitués de Sounds of Blackness. À l’époque, Janet Jackson enregistrait son album Control et ils l’ont invitée à les accompagner. Elle a assisté au spectacle et leur a dit qu’ils devaient leur donner un contrat de disque! Ils envisageaient déjà de le faire, mais je crois que l’appui de Janet a scellé l’affaire et ils ont ensuite fait de ma mère la chanteuse principale. Voilà comment Sounds of Blackness s’est concrétisé.

C’est très drôle, car ma prochaine question est la suivante : comment était-ce de travailler avec Jimmy Jam et Terry Lewis?

Je ne peux même pas expliquer ce que c’était que de travailler avec eux, car ils sont tellement éclectiques en studio. Une personne est dans le studio A, une autre dans le studio B, et il y a autre chose en cours dans le studio C.  À 17 ans, je passais du studio A au studio B au Studio C. Ils me faisaient alterner entre les studios parce qu’ils me formaient et m’utilisaient pour différents projets et, en gros, me disaient : « D’accord, tu es jeune, tu vas être différente. Tu ne seras pas une statistique. On va s’assurer que tu travailles. » Ils étaient comme des oncles. Ils me disputaient, ils m’obligeaient à faire en sorte que mes séances de studio se déroulent bien et que je termine mes mandats à temps, etc. Ils m’ont appris très tôt les rudiments du métier de musicienne. J’étais la plus jeune membre de Sounds of Blackness, j’étais un peu comme le petit, vous savez, le rat de théâtre et je collaborais avec tout le monde. Ils m’ont donné accès à des espaces auxquels d’autres n’avaient pas droit parce que j’étais si jeune et c’est ce qui m’a permis de travailler avec Prince sur la chanson Scandalous de la bande sonore de Batman! J’ai fait la chanson thème du film Demolition Man avec Sting. Toutes ces opportunités sont venues d’eux, en me formant et en me donnant la possibilité de participer à leurs projets. Ce n’était pas facile. Je travaillais jusqu’à deux ou trois heures du matin, puis je rentrais chez moi, je me reposais et j’allais à l’école. Après les cours, je faisais mes devoirs et puis je retournais au studio. Vivre cette vie à cet âge-là était difficile, mais c’était formidable.

Je suis époustouflé! Jimmy Jam, Terry Lewis, Prince, des artistes que j’aime depuis mon adolescence! Êtes-vous déjà allée à Paisley Park?

Oui. C’est là que nous avons fait les enregistrements pour Prince. Alors oui, j’y suis allée quelques fois. Il donnait des concerts spontanés sans publicité ni rien. Vous receviez des petits laissez-passer par courriel ou je ne sais quoi. Pas d’alcool, pas de cigarette, rien de tout ça. Des concerts exceptionnels avec des musiciens formidables et il jouait jusqu’à 5 h du matin. C’était insensé.

Wow. Quels sont vos trois principales inspirations ou héros musicaux?

Je suis tombée amoureuse de Rosetta Tharpe. Qui était la marraine du rock and roll et du blues? Évidemment, je vais répondre ma mère, même si elle ne fait pas partie des trois. Chaka Khan et Bette Midler.

Avez-vous une étape favorite dans le processus de création?

Probablement la création en studio. Je suis assez pratique comme chanteuse. J’ai beaucoup appris sur les aspects techniques du studio en travaillant avec Terry et Jimmy. L’écriture me rend folle, c’est l’angoisse totale. Mais dans le studio, alors là c’est le vrai bonheur.

Vous êtes connue en tant que chanteuse, mais beaucoup de gens ignorent probablement que vous jouez des instruments. Vous jouez de la batterie, ce que j’adore, parce que je suis aussi un batteur, vous jouez de la basse et un peu de piano.

Oui, c’est vrai. Il m’arrive de jouer de la batterie pendant mes spectacles et les gens se demandent ce qui se passe! Je joue aussi des congas et des timbales sur scène.

J’aimerais que vous nous parliez un peu de l’organisation Minnesota Movement.

J’ai lancé Minnesota Movement en 2005, une entreprise que j’ai créée pour les jeunes. J’avais un restaurant en 2005, et il y avait des jeunes qui venaient de temps en temps et je me disais qu’il fallait faire quelque chose pour eux. Nous avons donc bâti une scène et nous organisé une soirée micro ouvert qui a fini par devenir l’une des plus grandes soirées de ce genre au Minnesota. J’ai commencé à faire venir les jeunes en dehors des soirées micro ouvert et à leur donner des commentaires, des critiques constructives, des idées de réseautage et des conseils sur l’industrie musicale. Nous avons envoyé un groupe de jeunes aux ateliers d’écriture de l’American Society of Composers, Authors, and Publishers. J’ai fini par faire un événement où j’ai laissé des artistes se produire pendant un mois avant d’en choisir douze et de les inviter à participer à une tournée de cinq villes. Ces jeunes avaient un horaire, une brochure, un itinéraire. On en a abandonné quelques-un.e.s à l’hôtel pour ne pas s’être présenté.e.s à l’heure dans le lobby pour le départ. Ça leur a fait comprendre ce qu’on ressent quand on a signé avec un label et qu’on se produit en tournée. Je viens de remanier le tout et on relance avec une formation intensive.

Je ne peux pas imaginer quelque chose de mieux pour occuper le temps d’une jeune personne.

Alors, comment envisagez-vous l’avenir?

Il faut espérer que le monde s’ouvre et que nous puissions à nouveau avoir des contacts humains les uns avec les autres. J’aimerais aller à nouveau à l’étranger parce que quand j’y faisais des allers-retours, j’étais avec Sounds of Blackness. Je n’ai donc pas eu l’occasion de vraiment déployer mes ailes. C’était une bénédiction de bâtir les relations que j’ai nouées. J’ai vraiment hâte de vivre d’autres aventures internationales!

Comment voyez-vous l’avenir de l’industrie? On semble être à la croisée des chemins. On a eu droit à quelques décennies où les artistes ont fait fortune grâce à la musique et aux contrats d’enregistrement, et maintenant tout va dans le sens opposé, avec tous les problèmes dont nous entendons parler avec le streaming et les gens ne se faisant pas payer. Pensez-vous qu’on arrivera à un certain équilibre?

Je crois que tout finit par se répéter. Je pense que la musique vivra un retour à l’ancienne, comme lorsque Motown mettait plusieurs groupes dans des bus et qu’ils faisaient des tournées. Une fois que le monde rouvrira, les gens voudront faire des tournées! Les artistes envisageront le fait d’avoir un public différemment, le public sera plus apprécié. Avant tout le chaos causé par la COVID, certains artistes étaient si malcommodes qu’ils ou elles ne voulaient même pas venir saluer leur public. Bébé, on n’aura plus besoin de leur dire de le faire! Ça sera peut-être difficile pour les grands labels, en dehors de leurs artistes vedettes qui leur rapportent un max, car les jeunes ont maintenant accès à de nombreuses opportunités indépendantes. Je sais que nous parlions de streaming et de son fonctionnement, mais ces milléniaux travaillent sans relâche à créer différents moyens de générer de l’argent pour les artistes dans le domaine de la musique. Les tournées et l’intimité avec notre public seront, je pense, le meilleur moyen pour nous de nous faire payer. Donc, créer de la musique que les gens aiment et avoir le soutien et le mécénat nécessaires pour pouvoir aller sur scène et mettre cette musique en valeur.

J’aime cette belle vision positive! Maintenant, dites-nous quelque chose sur vous qui pourrait nous surprendre!

Je tiens un restaurant et bar à rhum jamaïcain à Minneapolis. Je me spécialise dans les rhums et je déniche différents rhums de partout à travers le monde. Et j’ai également trois beaux enfants.

Je connais votre fille Paris Bennett, elle a participé à l’émission American Idol.

Oui et mon plus jeune garçon chante également, il a 17 ans. Et j’ai un autre fils de 22 ans, un diplômé fantastique.

Avez-vous une recommandation lecture pour le Mois de l’histoire des Noirs?

Le livre de Michelle Obama est absolument inspirant. Si vous vous ne l’êtes pas déjà procuré, faites-le maintenant. Elle donne tellement d’information. C’est un livre fantastique. Les femmes ont vécu dans l’ombre pendant de si nombreuses années, c’est une véritablement bénédiction que nous en sortions enfin! Je salue notre nouvelle vice-présidente dont c’était l’investiture aujourd’hui même! C’est tout simplement incroyable de voir toutes ces femmes prendre le devant de la scène!

Je suis d’accord, je crois qu’un avenir meilleur dépend de la présence d’un plus grand nombre de femmes occupant des postes influents!

Une dernière réflexion ?

Faites ce que vous voulez! Ça m’est égal!

 

 

Voir les commentaires

Sans commentaires (Cacher)

Laisser un commentaire

Les champs obligatoires sont marqués d'un *.
Votre adresse email ne sera pas publiée.