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Un anniversaire en août

Écrit par

Collective Culture
septembre 7th, 2021

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De Bobbi Adair

Édité par Jazmin Batey

Au moment où j’ai ouvert mon journal pour y écrire cette note, une photo de ma mère et moi aux funérailles mariage de mes meilleurs amis est tombée sur le sol à côté de moi. En regardant la photo, j’ai réalisé que le 10 août est la date exacte à laquelle la photo avait été prise, il y a quelques années à peine… Ce qui fait d’aujourd’hui leur anniversaire de mariage. Bien que les raisons qui m’ont poussée à ouvrir mon journal étaient loin d’être réjouissantes, j’ai pris cette coïncidence comme un signe que la tristesse dont je suis venue me libérer relevait davantage d’un hommage cathartique à l’amour que je ne le pensais. Ainsi, inspirés par les exemples de compassion et d’attention offerts par mes amis, ma mère et l’univers — ceux-là mêmes qui m’ont fait ouvrir les pages de journal aujourd’hui — mes mots ont davantage pris la forme d’une carte de remerciement plutôt que d’une quête de réconfort.

Même si je suis reconnaissante, qualifier cette note de carte de remerciement lui confère une certaine dimension fleur bleue qui semble diminuer la profondeur des sentiments que cette épître véhicule véritablement. En vérité, cette note est une lettre d’adieu. Vous voyez, ce lapsus qui s’est produit tout à l’heure lorsque j’ai décrit à tort le mariage de mes meilleurs amis aurait été plus facile à éviter si je n’écrivais pas ces lignes quelques jours seulement avant les funérailles d’Elsie Dorothy Adair, ma grand-mère.

La façon dont les événements de la vie et de la mort coïncident et s’entrecroisent comme pour nous rappeler que tout est vraiment cyclique et que tout est lié est presque troublante. Le fait que je considère cette lettre comme un dernier « merci » cadre avec ce cycle sans fin de « coïncidences » qui a amené mon cousin à qualifier si justement la cérémonie funéraire de ma grand-mère de Thanksgiving Service (service d’Action de grâce). C’est peut-être un nom commun pour ce processus de célébration de la vie et d’acceptation du deuil, mais c’est une appellation que je n’avais jamais encore entendue. Ou que j’avais ignoré mentalement jusqu’à ce que j’en comprenne la pertinence. Une fois encore, tous les signes décrits ci-dessus ont guidé mon stylo vers ce moment, m’encourageant à écrire une dernière lettre en vue d’un nouvel anniversaire qu’il me faudrait ajouter à mon calendrier. Je suppose que c’était ma version à moi d’un service d’Action de grâce.

 

Dans cette liste croissante de curiosités, est-il étrange de ne pas être ennuyée par le fait que la dernière photo que j’ai prise avec ma grand-mère remonte à son propre 50e anniversaire de mariage? Alors que je déplie mentalement la dernière lettre que ma grand-mère m’a écrite, je me rends compte qu’il n’y a rien d’étrange. Je me considère comme une personne visuelle, dont la mémoire faillible s’appuie sur des photos et carbure à la nostalgie. Pourtant, je n’ai jamais eu et n’ai pas besoin de photos pour me rappeler l’odeur de la maison de grand-mère ni le son de sa voix. Ma grand-mère et moi partagions autre chose.

 

Ma grand-mère et moi avons correspondu durant certaines de mes années les plus formatrices. Elle envoyait parfois ses lettres par la poste et j’étais impatiente de voir un colibri ou le mot JAMAÏQUE sur de magnifiques timbres colorés. D’autres fois, ses lettres portaient la mention « Mademoiselle Bobbi Leigh, a/s M. Robert Adair » quand elles accompagnaient mon père lors de son voyage de retour au Canada. Là-bas, j’attendais de pouvoir cueillir les mots de ma grand-mère à même la main de père, comme les mangues cueillies sur l’arbre du jardin de ma grand-mère. Sans doute n’est-il pas très étrange que l’écriture soit devenue pour moi une sorte de vecteur qui me relie à moi-même comme elle me reliait à ma grand-mère.

 

Dans les jours qui ont suivi son décès, les passages écrits que ma grand-mère m’a envoyés m’ont laissé avec plus de gratitude et d’amour que je ne le pensais. Voir les courbes de son écriture, dans une calligraphie qui ressemble étrangement à la mienne, m’a aidé à me souvenir des inflexions de sa voix lorsqu’elle semblait chanter mon prénom. Plus nettement que le ferait un appareil photo, Plus nettement qu’un appareil photo ne pourrait jamais le faire, la forme de ses mots lorsqu’elle écrivait « souhaiter être plus près de moi » me rappelle les traits de son visage et la force fragile de sa main dans la mienne.

Je pourrais continuer à parler des nombreuses façons « étranges » dont ma grand-mère a relié avec amour autant de parties de ma vie, mais notre affinité mutuelle pour les mots croisés me rappelle une fois de plus que tout est vraiment lié, que ce soit à la verticale ou à l’horizontale. Il n’y a pas une seule parcelle de nous qu’elle n’a pas réussi à réunir, surtout dans les moments décisifs où la vie tente d’éclipser la réalité de la mort. Bien qu’elle ait été une matriarche à la main ferme, ma grand-mère était également mon amie. Comme l’une de mes premières confidences et inspirations, son amour de l’écriture a donné le coup d’envoi au mien. Ses lettres m’ont appris à apprécier les témoignages d’amour à l’ancienne, romantiques et écrits à la main.

Donc, Grand-maman, dans cette dernière lettre que je regrette de ne pas avoir envoyée plus tôt, je termine en te disant… merci : d’être la source et le reflet d’une si grande part de l’amour qui m’est cher et d’avoir créé ce lien entre nous, aussi fluide que tes lettres cursives sur une page. Je ne me suis jamais sentie aussi près de toi qu’aujourd’hui.

Avec amour,

Mademoiselle Bobbi Leigh

Bio de l’autrice

Se décrivant fréquemment comme une Taureau capricieuse, Bobbi est dans la vingtaine et fatiguée la plupart du temps; elle fait sa place en tant que femme noire dans le monde de la publicité et marketing à Toronto. Bobbi exprime ses rêves, ses craintes, ses expériences et ses réflexions les plus pointues sur la race, la technologie et la culture populaire en tant que membre de l’équipe de rédaction de Collective Culture.

Elle est également coordinatrice de rédaction, mettant à profit son expérience d’aide-enseignante et son amour général pour les mots.

Si vous la cherchez, vous la trouverez ici.

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