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NEGOTIATION: Entrevues

Écrit par

Michael Venus
janvier 10th, 2019

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Le festival Massimadi rend à nouveau visite à Never Apart avec une série d’expositions culturelles et d’œuvres artistiques. Cadrant parfaitement avec la raison d’être du centre, le film Negociation de Tobi Aremu sera présenté dans l’espace cinéma durant la saison Hiver 2019.

Somptueusement filmés en noir et blanc, deux danseurs virils s’imitent et se moquent mutuellement de la gestuelle de l’autre tout au long de cette puissante pièce de six minutes et demie.

Appuyée d’un simple projecteur et de mouvements de caméra, la synergie poignante articulée par la chorégraphie sinueuse de Dionna Pridgeon captive et subjugue le spectateur. Avec une mise en scène sonore qui reproduit de façon rythmée des sons nocturnes de jungle — criquets, insectes, animaux et bruits de respiration — Aremu évoque un dialogue tacite livré parfaitement par les interprètes Quenton Stuckley et Keith Alexander.

Conçue pour littéralement couper le souffle de l’auditoire, la manifestation physique de la dynamique du pouvoir illustre des récits multidimensionnels de masculinité noire, de vulnérabilité et de lutte systémique de pouvoir au sein de la société. Des séquences sonores se font l’écho de différentes époques de mouvements des droits de la personne avec des mots qui demeurent pertinents. L’œuvre d’Aremu reflète l’actualité de ce récit, tout en soulignant jusqu’où remontent ces histoires de lutte et de résilience.

Pour ce cinéaste et artiste vidéo établi à Brooklyn, le cœur a plusieurs adresses. « Je suis né à Londres, mais n’y ai pas mis les pieds depuis l’âge de trois ans. J’ai grandi à Johns Creek, une banlieue d’Atlanta, mais je disais fréquemment venir d’Atlanta. Pour paraître plus cool, sans doute. J’habite maintenant Brooklyn depuis neuf ans et j’ai tellement grandi au cours de cette période qu’il serait difficile de ne pas considérer cette ville comme mon chez-moi. Je suppose que pour moi, un chez-soi est l’endroit, l’espace ou le temps auquel je me sens connecté. »

Aremu participe au festival Massimadi pour la première fois. De son propre aveu, il a découvert le festival en ligne en recherchant divers endroits où présenter son art. « Je suis tombé sur eux en parcourant des propositions libres, mais c’est après m’être penché sur le festival et ce qu’il représente que j’ai vu que c’était le match parfait. » partage Aremu. Ceci marque également la première apparition d’Aremu à Never Apart. « Il en va de même pour Never Apart. Mes œuvres sont de nature politique et sont créées pour faire avancer le changement social, ce qui s’harmonise parfaitement avec la mission de Never Apart. »

Ameru s’est intéressé à la réalisation dès un très jeune âge, bien qu’il n’ait que récemment commencé à explorer l’art vidéo. Il trouve ce moyen artistique excitant, car il ouvre un nombre infini de voies permettant d’explorer un sujet choisi. Negociation a commencé par un concept et de là s’est rapidement imposée une identité visuelle. « J’ai eu la chance de collaborer avec la talentueuse chorégraphe Dionna Pridgeon qui m’a aidé à traduire en mouvements les idées et les thèmes relatifs au projet. Mes inspirations majeures pour le film sont le film d’art Bear de Steve McQueen et la quasi-totalité de l’œuvre de Robert Mapplethorpe. » Les autres héros et producteurs créatifs avec qui Aremu aimerait collaborer dans le futur incluent Ava Duvernay, Shonda Rhimes, Roxanne Gay et Ryan Coogler. « Honnêtement, j’admire tellement d’individus créatifs qu’il serait impossible de tous les nommer! »

La merveilleuse utilisation du son par Aremu en fait un personnage du film à part entière; il savait qu’il serait un élément intrinsèque dès le début de la production. « J’ai tout de suite compris que le son serait primordial au sein de la pièce. Un des éléments accrocheurs initiaux du projet était la notion d’une pièce de mouvements sans musique, mis à part les sons générés par la respiration et les gestes des interprètes enregistrés en direct lors du tournage. Une fois dans la salle de montage, mon ingénieure du son et coéditrice Lilleth Glimcher a permis d’atteindre un autre niveau de design sonore. »

Un des éléments accrocheurs initiaux du projet était la notion d’une pièce de mouvements sans musique, mis à part les sons générés par la respiration et les gestes des interprètes enregistrés en direct lors du tournage.

La superposition de références vocales est un autre élément essentiel du traitement sonore qui a aidé à approfondir la vision d’Ameru. « Toutes les archives audio utilisées dans le film proviennent de diverses vidéos et de found-footage. Le clip de Tupac de 1994 “We hungry we need some food” (N.D.T. Nous avons faim nous avons besoin de nourriture) est tiré d’une de mes entrevues préférées qu’il a accordées. Il sort des répliques incroyables tout au long de l’entrevue, mais cette phrase précise est restée dans mon esprit pendant des années.

Je crois que c’est la combinaison de sa vivacité d’esprit, la mélodie qu’il donne à son incantation, ainsi que l’impact du message qu’il prêche, qu’être fatigué et exaspéré du système opprimant les personnes de race noire depuis l’aube de notre civilisation actuelle, jusqu’à devoir défoncer les portes, est génial et justifié. Pour moi, la chanson Mad de Solange résume également cette émotion. Le clip de Will Smith provient du célèbre épisode de Fresh Prince of Bel Air durant lequel son père revient brièvement dans sa vie avant de disparaître tout aussi rapidement. Il y a quelque chose dans la douleur audible de sa voix qui élance et résonne. L’audio de Micheal Richards qui crie “He’s a nigger” (N.D.T. Il est un nègre) lors d’un spectacle d’humour raté il y a plus de dix ans m’est toujours resté en mémoire. C’est comme si le masque blanc affable est arraché et que cet homme est soudainement nu avec sa haine comme seul habit. On sait qu’elle a toujours été là, mais elle est maintenant à la vue de tous. »

Cinématographiquement parlant, Negociation se démarque grâce à l’utilisation richement structurée d’un éclairage simple et de techniques de caméra par Aremu, créant des effets visuels de noir et blanc intemporels. Il explique la difficulté d’allier la chorégraphie à l’aspect technique des répétitions et du tournage. « Le fait de combiner l’éclairage et la chorégraphie était ce qui m’angoissait le plus parce que nous n’avions simplement pas le temps ou les ressources nécessaires pour répéter avant le tournage. Nous avons filmé la pièce complète en une seule prise, ce qui était fou de ma part et physiquement difficile pour Keith et Quenton. Ceci, conjugué au fait que la pièce dure dix minutes, signifie que Keith et Quenton ne pouvaient interpréter la danse intégrale que quatre ou cinq fois avant d’être épuisés. En somme, nous n’avions que quelques essais pour bien faire les choses. Heureusement, nous avons réussi. »

Negociation est une prestation de danse contemporaine émouvante et provocante à l’imagerie élégante qui suscitera un échange profond sur ses thèmes et récits. « Je n’aime pas soumettre les gens à de quelconques attentes lorsqu’ils regardent mon œuvre, admet Ameru. Je souhaite seulement qu’ils fassent l’expérience de leur propre vérité. »

Le festival Massimadi est un festival des films et des arts LGBTQ+ afro qui célèbre cette année sa onzième édition avec un événement tout spécial : MASSIMADI LIVE! à Never Apart. Mettant en vedette des performances artistiques en arts de la scène de la part d’artistes queer de couleur, ainsi qu’une collaboration avec Never Apart pour présenter l’artiste montréalais Kamissa Ma Koïta dans le cadre de la saison hivernale. Pour plus d’information à propos du festival Massimadi, veuillez consulter le : https://www.facebook.com/massimadi

Photography by Jordan Bradley.
 

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