In Spirit: Yoga
Yoga has many different definitions not only since it took a modern twist, but also throughout history and geography. What we know of yoga has survived in some scriptures or iconography such as sculptures on temples and paintings. Nevertheless, there is very little we know about how yoga was really concretely practiced and there is still a lot to discover. One interesting way to approach yoga is to observe the multiple faces it bears. Yoga extends from one extreme to another. This diversity shows its tremendous complexity and the richness at the heart of its dynamic.
Le terme yoga possède différentes définitions, pas seulement depuis son tournant moderne, mais aussi à travers l’histoire et la géographie. Ce que l’on connaît du yoga a survécu dans certains textes anciens ou des iconographies comme les sculptures des temples et les peintures. Cependant, nous savons peu de choses sur comment le yoga était concrètement pratiqué et il reste encore beaucoup à découvrir. Une manière intéressante d’approcher le yoga est d’observer tous les multiples visages qu’il recouvre. Le yoga s’étend d’un extrême à l’autre. Cette diversité démontre son incroyable complexité et la richesse au coeur de sa dynamique.
Tibetan Yoga
Traditionally, the yogi is described as an ascetic, someone who does not possess any goods. When not naked and covered with ashes, he wears a cloth on his waist. He practises some postures on a traditional tiger-skin carpet to signify the mastery of the energy and the thought process. The above photograph displays a one detail of the wall paintings from the famous “Lukhnag, a private meditation chamber once used exclusively by Tibet’s Dalai Lamas.” The Dalaï Lama explains that those murals that represent the higher teaching of the buddhist tantras were kept secret. The secrecy was a way to protect from using the teaching unwisely, as using it without being guided by a master who knows the path, guru, could disbalance the practitioner. Some wall paintings display yogis in various postures that enable the energy to flow through the body. It is said that the mastery of energy is the mastery of emotions and, therefore, the end of suffering. Yoga, as it is commonly known, belongs to Hinduism, but the Tibetan Buddhist contribution to yogic practices is tremendous and a lot of their art remains.
Tibétain Yoga
Traditionnellement, le yogi est décrit comme étant un ascète, celui qui ne possède aucun bien. Lorsqu’il n’est pas nu et recouvert de cendre, il porte un tissu sur ses reins. Il pratique des postures sur la traditionnelle peau de tigre qui symbolise la maîtrise des énergies et du flot de pensées. La photographie ci-dessus montre un détail des peintures murales de la célèbre “Lukhnag, une chambre de méditation privée qui fut exclusivement utilisée par le Dalaï-Lama du Tibet”. Le Dalaï-Lama explique que ces murales qui représentent le haut enseignement des tantras bouddhistes étaient gardées secrètes. Ce secret était une manière de protéger l’utilisation abusive de cet enseignement, car son utilisation sans être enseigné par un maître qui connaît le chemin, guru, risquerait de créer des débalancements importants chez le pratiquant. Certaines peintures murales représentent des yogis dans diverses postures qui permettent à l’énergie de traverser le corps librement. Il est dit que la maîtrise de l’énergie est la maîtrise des émotions, et ainsi la fin de la souffrance. Le yoga, tel qu’il est communément connu, appartient à l’hindouisme, néanmoins la contribution du bouddhisme tibétain quant aux pratiques de yoga est importante et beaucoup d’art a été conservé.
Yogis
Yoga exists in the greatest asceticism ruled by purity and moral prescriptions. For example, this is the case of the famous Yoga Sūtra of Patanjali probably written at the beginning of the Christian millennium, which is the base of most yoga schools today. Other kind of scriptures such as the Tantras and Āgamas describe yogic practices found in the cremation ground among other transgressive rituals such as eating meat or fish, drinking alcohol and sexual intercourse. There are two types of paths: either yoga was used to gain magical powers, the siddhis, or it was intended to attaining freedom of the self, meaning the realization of the Unity of all things. Yogis can be compared to the alchemists of the body. Their knowledge about the energy and the breath is beyond the physiology that everyday people experience. Energy and breath become doors to master time and space.
Around 10th to 11th century, yoga left its extreme form of the cremation ground to reach houses. It was taught by the ascetics to certain people who were allowed to keep their mundane life. From now on, the tantric practitioner possessing knowledge of the power of yoga were no longer only the ascetics, but also known as the “family masters”. They would keep their life as such, probably practicing the classical exoteric hinduism, as well as the secret esoteric forms to which yoga belongs.
The postural emphasis in yoga that we know in the modern world is actually very new. Indian philosophy entered the West with Vivekananda in 1883, followed by some figures in yoga who developed the āsanas system such as Kuvalyānanda, Kṛiṣṇamācarya and later his disciple Iyengar. The modern yoga was the result of a mix of body building, nationalism and health propaganda never seen before in the history of yoga. As for the famous “sun salutation”, sūrya namaskar, it is nothing more than an exercise invented in the 16th century for the medieval Indian army.
Le yoga existe parmi l’ascétisme le plus haut, sous-tendu par la pureté et les prescriptions morales. C’est par exemple le cas du célèbre Yoga Sūtra de Patanjali, probablement rédigé au début de l’ère chrétienne et qui fonde la grande majorité des écoles de yoga de notre époque. D’autres sortes de textes, comme les Tantras ou Āgamas, décrivent des pratiques yogiques qui prenaient place sur le lieu de crémation parmi d’autres pratiques rituelles transgressives tels que manger de la viande, du poisson, boire de l’alcool et accomplir des rituels sexuels. Il y a deux voies: soit le yoga était utilisé afin d’acquérir des pouvoirs magiques, siddhis, ou il cherchait la liberté du soi, c’est-à-dire la réalisation de l’Unité de toutes choses. Les yogis peuvent être comparés à des alchimistes du corps: leur savoir concernant l’énergie et le souffle est au-delà de la physiologie que vivent les gens de tous les jours. L’énergie et le souffle deviennent les portes pour contrôler le temps et l’espace.
Autour du 10ème ou 11ème siècle, le yoga quitte ses formes extrêmes des lieux de crémations pour rejoindre les maisonnées. Il était enseigné par les ascètes à certaines personnes qui pouvaient conserver leur vie mondaine. Les pratiquants tantriques qui connaissaient le secret du pouvoir du yoga n’étaient dorénavant plus seulement des ascètes, mais étaient aussi connus sous le nom des “maîtres de famille”. Ils gardaient leur vie telle qu’elle était, fort probablement en continuant de pratiquer l’hindouisme classique exotérique, en même temps que le yoga et certaines formes rituelles s’y rattachant, formes ésotériques secrètes auxquelles ils appartenaient.
L’emphase sur l’aspect postural que l’on connaît dans le monde moderne est en fait relativement récente. La philosophie indienne pénètre l’ouest avec Vivekananda en 1883, suivi par certaines figures du yoga moderne, Kuvalyānanda, Kṛiṣṇamācarya et plus tard son disciple Iyengar, qui développèrent le système des āsanas que l’on connaît aujourd’hui. Le yoga moderne a résulté d’un mélange de body-building, de nationalisme et de propagande autour de la santé tel qu’il n’avait jamais existé auparavant dans l’histoire du yoga. Quant à la célèbre “salutation au soleil”, sūrya namaskar, elle n’est rien de plus qu’un exercice inventé au 16ème siècle pour l’armée médiévale indienne de l’époque.
If nowadays yoga has become a fashionable brand and activity, it is quite fascinating to remember that yogis used to actually be feared. They were considered like magicians who could cast spells, read people’s mind and make you travel through time. We can recall Alain Danielou’s wonderful stories about yogis he had met during his life in India on the bank of the Ganga (Le Bétail des Dieux, et autres contes gangétiques”, 1962).
Si de nos jours le yoga est devenu une marque autant qu’une activité à la mode, il est assez intéressant de se souvenir qu’originellement, les yogis inspiraient la peur. Ils étaient considérés comme des magiciens qui pouvaient jeter des sorts, lire votre esprit ou vous faire voyager dans le temps. On se souvient des histoires magnifiques d’Alain Daniélou qui relatent les yogis qu’il rencontra lorsqu’il vivait en Inde sur les berges du Gange (Le Bétail des Dieux, et autres contes gangétiques”, 1962).
Lalleśvarī
Yoga, in its classical approach, is usually represented by men who were very likely coming from the higher caste, brahman, if we consider the need of sanskrit knowledge to perform the rituals. Yoga is about physical postures, āsanas, but also breath, prāṇāyāma, and sound, mantras. These combinations are orientated by a philosophical lineage that shapes the practical approach. This knowledge was mainly written and sung in sanskrit, the sacred language, saṃskṛtam, preserved and passed through generations from father to son within brahmin families, or from the guru to his disciple. Nevertheless, yoga has also crossed between caste system, sex and religion, because as Lalla sings it, God has no such thing as differentiation.
Lalla or Lal Ded in Hindi, Lal Arifa for muslims, or even Lalleśvarī in sanskrit meaning “Lalla the Yogini” are many names to portray the ancient saint of the 14th century from Kashmir northern India. Between Sufism and Hinduism, Lalla is known for her poems, vākyā, that she wrote none in sanskrit despite her high rank caste, but in vernacular language, meaning her local language, Kashmiri.
She writes :
“Shiva is all-pervading and present in each particle.
Never differentiate between a Hindu and a Muslim.
If you are shrewd and intelligent, know thy self.
There lies acquaintance with god.”
She went beyond idol worship, caste system and believes differences. It is how in her poems she often switches between Sufism and Hinduism. At her young age, Lalla received her father’s teaching who was known to be following the non-dual shaivism tradition of Kashmir. Then, she was married and sent to her husband’s family as tradition requires. Her step-mother started persecuting her, until one day when Lalla stayed too long at the river because she was secretly practising yoga āsanas and prāṇāyāma. When she returned home, her step-mother accused her of being cheating on her husband, so out of anger, her husband threw a stone at her which hit the water pitcher she was holding on her head. At this moment, it is said that the pitcher broke but the water kept its form on her head. It is this day that Lalla left the house and became an ascetic woman, saṃnyāsin, renouncing this world’s good and social relationships. She was often seen, wandering naked around the mountains of Kashmir, with her hair covering her body as mere clothing, reciting her poems in the people’s language. Lalla is recalled being denouncing the “false” realized ones, the guru who pretends to be awakened and how much worldly critic and praise are same :
“Some are awaken even in their sleep
Others, proclaiming to be awaken,
Are in a deep sleep.”
“O fool, right action does not lie in observing fasts and ceremonial rites.
O fool, right action does not lie in providing for bodily comfort and ease.
In contemplation of the Self alone is right action and right counsel for you.”
“They may abuse me or jeer at me,
They may say what pleases them,
They may with flowers worship me.
What profits them whatever they do?
I am indifferent to praise and blame.”
Le Yoga dans son approche classique est majoritairement représenté par des hommes des hautes castes, bhraman, si on tient compte de la connaissance nécessaire du sanscrit pour performer les rituels. Le yoga est à propos de postures physiques, āsanas, mais aussi de respiration, prāṇāyāma, et du son, mantras. Ces combinaisons sont orientées par une lignée philosophique qui donne forme à une approche pratique. Ce savoir était en grande partie écrit et chanté en sanscrit, la langue sacrée, saṃskṛtam, préservée et léguée d’une génération à l’autre de père en fils au sein des familles de bhraman, ou bien du guru à son disciple. Pourtant, le yoga a aussi traversé les restrictions du système des castes, du sexe et de la religion, car comme le chante Lalla, Dieu ne voit pas de différences.
Lalla ou Lal Ded en Hindi, Lal Arifa pour les musulmans et encore Lalleśvarī en sanscrit qui signifie “Lalla la Yogini” sont plusieurs noms qui tissent le portrait de la sainte du 14ème siècle du nord de l’Inde. Entre Soufisme et Hindouisme, Lalla est connue pour ses poèmes, vākyā, qu’elle écrivit non pas en sanscrit malgré son haut rang parmi une famille de brahman, mais en langue vernaculaire, c’est-à-dire son langage local qu’était le cachemiri. Elle écrit :
“Shiva imprègne toute chose, il est présent dans toute particule.
Il ne différencie pas l’hindou du musulman.
Si tu es malin et astucieux, connais-toi toi-même.
C’est là que repose la connaissance de Dieu”.
Elle était au-delà de l’idolâtrie, des systèmes des castes et des différences entre les croyances. C’est ainsi que dans ses poèmes elle passe souvent du soufisme à l’hindouisme. Dans son jeune âge, Lalla reçut l’enseignement de son père qui était connu pour suivre la tradition non-duelle du Cachemire. Plus tard, elle fut mariée et envoyée dans la famille de son époux comme l’exige la tradition. Sa belle-mère commença alors à la persécuter, jusqu’au jour où Lalla s’absenta trop longtemps auprès de la rivière où elle pratiquait secrètement les āsanas et les prāṇāyāma. Quand elle regagna la maison familiale, sa belle-mère l’accusa de tromper son mari, alors dans sa colère, le mari de Lalla lui jeta une pierre qui vint briser la cruche qu’elle portait sur la tête. Celle-ci se brisa, mais l’eau garda la forme. Ce fut ce jour-là que Lalla quitta la maison et devint une femme ascète, saṃnyāsin, renonçant aux biens et aux liens sociaux de ce monde. On pouvait la croiser errant nue dans les montagnes du Cachemire, avec ses longs cheveux qui couvraient son corps pour seuls vêtements, récitant des poèmes dans la langue du peuple. Son verbe dénonçait les “faux” réalisés, les guru qui prétendaient être éveillés et combien les critiques et les compliments mondains sont identiques dans leur nature profonde :
“Certains sont éveillés même dans le sommeil
D’autres, qui se proclament éveillés
Sont dans un sommeil profond”.
“Oh fou, l’action juste ne réside pas dans l’observance des jeunes et des cérémonies rituelles.
Oh fou, l’action juste ne réside pas dans l’apport du confort et l’aisance corporelle.
Seul dans la contemplation du Soi existent l’action et le conseil juste pour toi”.
“Parfois ils m’accablent de reproches ou m’insultent
Qu’ils suivent donc leurs penchants.
Parfois ils m’adorent et m’offrent des fleurs.
Dans ma pureté,
Je suis indifférente au blâme et à la louange”.
Yoga, as we have seen, bears a tremendous diversity that makes it impossible to say that there is only one confined definition. Does it refer to the postural practice of our modern time, the seated position of Patanjali’s Yoga Sūtra written before the Christ era, or the ritual of the tantras? Its definition takes shape in the philosophy it stems from and the time in which it is actualized.
Yoga is the practice leading to the embodiment of a tradition, and yet, the process itself is an end: the movement of practicing is a ritual, a worship that appears when the body reconnects with its sacred reality and the ego consumed to let flourish the only Unity of all things underlying Reality. Yoga has no definition and bears all at the same time. It is this and simultaneously its contrary. It is what leads to the internalized understanding of the teaching, it is what naturally comes after one has realized his true nature, and it is the teaching in itself.
Yoga comes from the root yuj- meaning union. This union is the one of all opposites. The union is the diversity clearly seen from one point of perception, realizing that everything is always and necessarily contained in One.
Le yoga, comme nous venons de le voir, possède une incroyable diversité qui rend impossible d’en donner une seule et unique définition. Est-ce que le terme se réfère à la pratique de notre époque moderne, à la position assise des Yoga Sūtra de Patanjali rédigé avant l’ère chrétienne, ou aux rituels décrits dans les tantras? Sa définition se forme dans la philosophie dans laquelle il prend corps et dans le temps dans lequel il s’actualise.
Le yoga est la pratique qui amène à l’intégration de la tradition, et pourtant, le procédé lui-même en est la fin: le mouvement même de pratiquer est un rituel, une prière qui apparaît quand le corps retrouve sa réalité sacrée et l’ego se consume pour laisser fleurir l’unique Unité sous-jacente à la Réalité. Le terme “yoga” n’a pas de définition et les porte toutes en même temps. Il est cela et simultanément le contraire. Il est ce qui amène à la compréhension interne de l’enseignement, ce qui survient naturellement lorsque le pratiquant réalise sa véritable nature, et il est l’enseignement en lui-même.
Le mot Yoga vient de la racine yuj- qui signifie union. Cette union est celle de tous les opposés. L’union est la diversité clairement vue depuis un unique point de perception qui réalise que tout est nécessairement et inévitablement contenu en Un.
Thanks to Meriem Benachenhou and Jean Bouchart d’Orval for their re-reading, and to Stéphane Desmeules for his photos of yoga postures taken during a trip in India (2016, Orissa and Karnataka)
Merci à Meriem Benachenhou et Jean Bouchart d’Orval pour leur relecture, et à Stéphane Desmeules pour les photos de poses de yoga prises lors d’un voyage en Inde (2016, Orissa et Karnataka).
It was a good experience for me to go through this subject as It help me to know more about the yoga and its root and different practices.
Thanks alot and appreciate your work and research.