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Plus qu’un «party»

Écrit par

Eris Drew
septembre 2nd, 2020

Note de l’autrice : dans cet article, j’établis des liens entre les raves que j’adore et les pratiques spirituelles décrites dans des livres et des magazines. Mon intention n’est pas d’en plaider l’équivalence. Je ne suis pas une anthropologue, une scientifique ou une théoricienne; je suis une DJ fêtarde qui aime lire, une femme transgenre blanche qui tente de replacer de manière responsable dans son contexte historique ses décennies d’expérience dans le domaine de la musique dance électronique. Mon analyse est à la fois salutaire et critique.

[Avertissement relatif au contenu: identité transgenre, racisme, colonialisme, consommation d’alcool et de drogue, automutilation.]

Un jour, mon père m’a demandé pourquoi j’avais commencé à aller à des raves alors que j’étais si jeune. Je lui ai répondu qu’il ne m’avait pas élevé dans la religion, alors les raves étaient devenus un peu comme mon église. En 1994, alors que j’avais 18 ans, j’ai vécu une série d’expériences très fortes lors de partys dans des entrepôts de Chicago qui allait façonner ma vie d’une manière que je n’aurais jamais pu imaginer. Aujourd’hui, je suis ce qu’on appelle une « condamnée à perpète », c’est-à-dire quelqu’un qui sait qu’il ne peut pas arrêter d’aller dans des raves et qui s’y est complètement résigné. Pour certains, la culture des clubs n’est qu’un simple divertissement, mais pour d’autres comme moi, la musique et la culture sont essentielles à nos vies. Pour les initiés, les raves sont bien plus que des partys.

Les événements qui ont façonné ma définition des raves ont été des expériences de danse soutenue en groupe et en sueur dans des conditions à la limite du calvaire. Ces partys duraient toute la nuit, parfois pendant des jours entiers. Les volumes excessifs étaient des arguments de vente. (1) La polyintoxication et la consommation de substances psychédéliques étaient la norme, tandis que celle d’alcool n’était pas encouragée. Pour beaucoup d’entre nous, participer à un rave a été la première et peut-être la seule expérience spirituelle collective que nous ayons jamais vécue. En tant que femme transgenre, les raves m’ont aidée à dissoudre le genre culturellement construit qui m’avait été assigné et à définir mon identité. Pour le dire simplement, le rave m’a aidée à me voir et m’a permis de participer à une communauté hors de la société dominante. Je m’en suis servi pour me retrouver et retrouver mes amis.

Au fil des décennies, je me suis demandé comment un futur anthropologue décrirait la culture rave. J’ai passé la plus grande partie de ma vie d’adulte à regarder des synthétiseurs, des platines et des colonnes de haut-parleurs géants. Ces outils sont des créatures issues de l’innovation du XXe siècle, mais ils sont utilisés pour déclencher une expérience extatique subjective aussi ancienne que les premiers êtres humains. Nous pensons danser vers l’avenir lorsque nous participons à un rave, mais nous dansons aussi vers le passé. Cet article explorera les liens possibles entre la culture rave et la spiritualité, en se concentrant principalement sur les trousses d’outils de différents types de guérisseurs magiques.

R4R x Motherbeat Rave à Berlin. Photo: Eris Drew.

Tambours de transe et mixage temporel

Avez-vous déjà dit à quelqu’un que vous aimez la musique house pour qu’il vous réponde en plaisantant : « Oh, vous parlez de la musique boom boom? » Même les critiques les plus mal informés de la musique électronique semblent comprendre qu’un rythme de tambour répétitif est au centre du rave. C’est le battement de cœur de la musique dance. La grosse caisse est généralement l’instrument le plus bruyant du mixage et, lors d’une fête, elle peut battre sans interruption pendant des heures (voire des jours !), car les DJs mixent les disques sans interruption. De nos jours, beaucoup de musique populaire utilise ce rythme, mais ça n’a pas toujours été le cas. À la fin des années 60 et au cours des années 70, ce sont les remixeurs disco et les organisateurs de partys — les queers noirs, latinx et italiens — qui ont mis l’accent sur le motif rythmique « four-on-the-floor » grâce à la batterie, la conception de systèmes de sonorisation, le djing et le remixage (2). La section rythmique disco a été inspirée par le R&B et les rythmes latins (3). Au centre de la sono se trouvait l’influence de la batterie et la production de Baker-Harris-Young, un groupe de musiciens noirs américains de Philadelphie. Ces véritables architectes du « four-on-the-floor » étaient des musiciens de studio recherchés et ont fait des tournées avec le groupe MFSB et le Salsoul Orchestra de Vince Montana (4).

Au début des années 80, lorsque le disco est mort aux États-Unis et que les grands budgets de production ont disparu, des musiciens noirs novateurs de Chicago, de Détroit et de New York ont commencé à utiliser des boîtes à rythmes pour créer une pulsation de grosse caisse encore plus forte et plus synchronisée sans avoir besoin de véritables musiciens de session. Les principales boîtes à rythmes étaient les Roland 303, 808 et 909, conçues à l’origine comme des dispositifs d’accompagnement rythmique et de basse abordables pour les musiciens professionnels qui voulaient s’entraîner seuls à la maison (5). Les Noirs ont pris cette technologie et l’ont réutilisée assez spontanément. Alors que la musique de boîte à rythmes caractérise la production de nombreux genres musicaux des années 80, ce sont certains jeunes producteurs noirs de house qui ont dépouillé le disco et la dance pop électronique de leur ornementalisme et ont presque entièrement concentré leur travail sur la répétition et les sons de trance. À titre d’exemple, écoutez I Feel Love (6) de Donna Summer, suivi par Acid Traxx, le tout premier disque d’acid house de Phuture.

Tous deux utilisent des synthés et un motif rythmique « four-on-the-floor » prononcé, mais il n’y a pas de mélodie dans l’épopée minimaliste de 12 minutes de Phuture. Dans Acid Traxx, l’accent est mis sur le rythme central et les résonances transcendantales. Dans les mains d’un DJ, c’est en quelque sorte un outil, et non une chanson avec un refrain, un couplet et une mélodie comme la plupart des musiques populaires.

DJ Pierre, un des membres originaux de Phuture, raconte une histoire merveilleuse concernant la genèse de la scène house et acid à Chicago (6). Le célèbre DJ de house Ron Hardy a joué beaucoup de disco pour ses fans et a battu de nombreux records de house. La première fois qu’il a joué Acid Traxx, la piste de danse s’est vidée. Hardy s’est entêté à rejouer Acid Traxx et, à la fin de la soirée, tout le monde sur la piste criait, dansait très fort et était exalté par le morceau. Il semble que ce que l’on appelle aujourd’hui la culture acid house ait été déclenché dans ce moment de transport et d’extase partagée.

Les commentateurs expliquent que le tambour a un rôle de première importance dans les traditions extatiques, dont le chamanisme (7). Il est utilisé pour le vol du chaman, pour invoquer les esprits et pour se concentrer et reprendre contact avec le monde spirituel à travers lequel la personne se prépare à voyager. (8) Ce sont les battements rapides et continus qui permettent aux participants de faire l’expérience d’une réalité non ordinaire par l’entremise d’un état de transe suscité par le rythme (9). Bien que la science du tambour de transe soit peu développée et qu’elle repose nécessairement sur des hypothèses vérifiables pour avancer ses affirmations, il semble y avoir un lien entre le tambour chamanique et les ondes thêta du cerveau mesurées sur un électrocardiogramme (10). La répétition soutenue des tambours abaisse la fréquence de fonctionnement du cerveau à 4-7 Hz. Les ondes thêta modifient la perception et la cognition, permettant aux praticiens de se déconnecter de la réalité ordinaire et d’atteindre un meilleur état de conscience. Les ondes thêta sont liées à la méditation, à la conscience spirituelle, à la créativité, à l’intuition, à la rêverie et aux souvenirs (11).

Le tambour a été au centre de mon expérience mystique révélatrice en 1994. Mon meilleur ami et moi avons pris du LSD dans un grand rave de Chicago et nous avons dansé sur d’énormes enceintes pendant des heures. Comme dans la scène d’ouverture du long métrage 2001, l’Odyssée de l’espace, nous avons regardé les haut-parleurs comme le monolithe, à la recherche du sens de quelque chose que nous ne comprenions pas (12). Pendant que nous dansions, des géométries symboliques colorées sont apparues dans le noir : des formes autotransformatrices ressemblant à des mandalas tournants (13). J’avais l’impression de voler, comme si j’étais à la fois au rave et ailleurs en même temps. Lorsqu’il est venu le temps de rentrer chez nous, nous étions encore en plein trip, même assis à l’arrière d’une mini-fourgonnette. La climatisation était en marche et nous avons commencé à entendre le bruit de la grosse caisse du rave dans les oscillations du ventilateur et de son moteur. Une source de bruit modulée comme un climatiseur ressemblera à une pulsation musicale si vous l’écoutez assez longtemps avec la bonne mise au point. Dans les moments de clarté qui ont suivi, mon ami m’a regardé les yeux écarquillés, a souri et a surnommé ce son le « Motherbeat »!

Il est difficile de traduire en anglais cette partie de l’expérience, car ce qui s’est passé à ce moment était une sorte de gnose (14), un moment de pure compréhension entre nous et le monde. J’ai constaté à ce moment-là que la musique était tout autour de nous. J’ai compris que le rythme qui anime notre musique est quelque chose de bien plus fondamental et mystérieux qu’un ornement de la culture. Qu’il y a quelque chose de nourrissant, de guérisseur et de connecté à la nature dans le son, même s’il est produit par des processus artificiels. Et que la musique peut être utilisée pour créer un sentiment d’unité. J’ai vu la puissante illusion de la culture pour ce qu’elle était, un vernis ou un paysage artificiel à travers lequel nous filtrons nos expériences subjectives. Bien que la drogue ait été un facteur dans mon expérience (et un facteur important comme je vais essayer de l’expliquer ci-dessous), le battement de tambour était nécessaire. Il était notre conduit vers l’Autre, le Mystère au centre de l’être.

Le rythme des tambours dans un rave est, en grande partie, continu. Les DJs développent l’habileté technique de synchroniser des disques (ou des fichiers musicaux numériques) en utilisant un outil sur des platines spécialisées ou d’autres appareils de lecture pour contrôler la hauteur et le temps. La façon d’augmenter la hauteur d’un enregistrement analogique est de l’accélérer et, inversement, il faut le ralentir pour la diminuer. Le DJ doit maintenir un niveau de concentration intense dans un état d’écoute profond pour garder les pistes synchronisées en utilisant un ensemble de platines. Le mixeur est utilisé pour mélanger les signaux audio séparés pour chaque piste et rendre la transition d’un enregistrement à l’autre continue et sans heurt (ou pour perturber la transition de manière artistique avec des égalisations créatives ou en « coupant » ou « scratchant »). La perception du raveur est que la fête a un rythme éternel. Si les percussions répétitives sont effectivement au cœur de l’expérience d’une transe extatique, les raves semblent représenter une puissante mise en œuvre d’une très ancienne technologie humaine au sein du XXe siècle.

La durée moyenne d’une chanson pop est de trois minutes et demie et ce chiffre semble diminuer progressivement (15). Comparez la durée d’une chanson populaire à celle d’un mix de DJ qui peut s’écouler pendant des heures sans interruption. L’écoute d’une musique de longue durée exige de concentration et attention. Écouter de la musique de cette manière peut être considéré comme une sorte de méditation qui conduit à un sentiment accru de conscience. La compositrice expérimentale du XXe siècle Pauline Oliveros est surtout connue pour ses compositions et ses performances d’ensemble générées spontanément à l’intérieur d’une citerne souterraine géante en béton — un réservoir d’eau souterrain vide d’une capacité de deux millions de gallons avec un temps de réverbération de 45 secondes (16). Son processus d’écoute intense de tous les sons, pas seulement des sons musicaux, lui a permis de descendre dans la caverne fermée avec ses amis et de jouer des réverbérations dans la citerne comme d’un instrument. Sur l’enregistrement, elle transforme son accordéon bien-aimé en quelque chose de magnifiquement méconnaissable en n’utilisant que quelques microphones et l’acoustique même de la citerne. Oliveros décrit la technique de ce qu’elle appelle « l’écoute profonde » ainsi :

L’écoute profonde consiste à écouter de toutes les manières possibles tout ce qu’il est possible d’entendre, peu importe ce que vous faites. Cette écoute intense comprend les sons de la vie quotidienne, de la nature ou de ses propres pensées, ainsi que les sons musicaux. L’écoute profonde représente un état de conscience accrue et se connecte à tout ce qui existe. En tant que compositrice, je fais ma musique par le biais de l’écoute profonde. (17)

Ma perception du « motherbeat » sorti du climatiseur semble être un exemple de la durée de l’écoute profonde que j’ai faite au rave en concentrant suffisamment mon esprit pour me servir du climatiseur afin de relier l’expérience du rave à « tout ce qui existe ». J’ai partagé la soi-disant piste de danse au fil des ans avec de nombreux raveurs très sérieux qui ne dansaient pas parce qu’ils ne pouvaient pas physiquement danser ou préféraient « contempler » la musique sans danser. Je pense que c’est l’expérience de l’écoute profonde dans une communauté qui compte vraiment pour eux. La danse crée une chaleur dans le corps, qui peut être utile pour atteindre des états d’extase (18), mais le tambour reste central (19). L’un des points clés que j’espère faire valoir dans cet article est que la scène est bien plus que danser, boire et s’amuser.

Délicieux chocolats aux champignons offerts à Eris en cadeau avant une Rave. Photo par Eris Drew.

Psychédéliques — démocratiser l’expérience religieuse subjective

Lorsque je fais des présentations sur mon expérience de rave, l’une des premières questions que l’on me pose est : « avez-vous besoin de drogues pour vivre l’expérience mystique que vous décrivez? » La réponse est simple : non. Les preuves anthropologiques soutiennent la conclusion que les états d’extase en transe sont accessibles par différents moyens. Une autorité principale sur laquelle s’appuie cet article pour son résumé des travaux ethnographiques de terrain, le traité « Shamanism: Archaic Techniques of Ecstasy » de Mircea Eliade, publié en 1964, contient de nombreux exemples de traditions spirituelles impliquant la transe qui ne reposent pas sur les psychédéliques (20).

En fait, pour Eliade, l’utilisation des psychédéliques est considérée comme un moyen brut et décadent d’accéder à la transe (21). Par exemple, il considère l’utilisation des champignons comme une forme paresseuse de chamanisme dans laquelle les pratiquants deviennent décadents et préfèrent la facilité de l’intoxication au travail acharné d’autres éléments guérisseurs plus puissants (sobres). Des universitaires comme Eliade gardent avec eux leurs idées fausses et leurs préjugés lorsqu’ils évaluent le travail sur le terrain. Je ne suis pas d’accord avec l’argument selon lequel l’utilisation des psychédéliques est d’une certaine manière décadente, paresseuse ou contre nature pour les raisons suivantes.

Les substances psychédéliques existent dans la nature et en font partie; l’expérience n’est donc pas artificielle. Les champignons psychédéliques les plus populaires poussent dans les excréments des bovins et le LSD a d’abord été synthétisé à partir de l’ergot, un champignon qui attaque le seigle (22). La diméthyltryptamine est présente à l’état naturel dans de nombreuses plantes et est endogène au cerveau chez certains mammifères (23). Je ne pense pas que j’aurais eu mon « expérience motherbeat » sans prendre ces de puissants dissipateurs naturels de frontières.  En 1994, je ne voyais pas l’intérêt de consulter un guérisseur traditionnel ou à participer au mouvement New Age. J’ai été élevé en athée dans une culture rationaliste-matérialiste.

Mes ratios sensoriels avaient été modifiés par une consommation médiatique quotidienne. Et ma capacité de concentration était limitée parce que je n’avais aucune formation formelle de tradition extatique. Les psychédéliques démocratisent quelque peu l’expérience spirituelle dans la mesure où la puissante expérience subjective d’un état de transe est accessible à toute personne ayant accès à la substance. Comme la célébrité psychédélique Terrance McKenna aimait à le dire dans plusieurs de ses conférences, avec les psychédéliques, vous n’avez pas besoin de balayer le sol d’un monastère toute votre vie pour être initié au secret. Vous n’avez pas besoin de trouver un gourou ou un maître et vous n’avez pas besoin d’accepter des cosmologies religieuses dogmatiques pour voir les mystères. Si Donald Trump prenait trois bonnes doses de diméthyltryptamine, il ferait sans doute un trip lui aussi, qu’il le veuille ou non.

Je pense que beaucoup de gens trouveraient irrévérencieuse, irresponsable ou même irrespectueuse l’idée d’une adolescente qui tombe sur une expérience mystique à cause de la culture de la drogue, mais mon témoignage est que ces substances, combinées au rythme intense d’un rave, avaient le pouvoir de produire une expérience spirituelle subjective encline à changer ma vie (24). Lors d’un rave, l’accent devrait être mis sur la réduction des risques et non sur le rejet du contenu et de l’importance très réelle de ces expériences dans la vie des individus et des communautés.

La psilocybine est la composante psychédélique des champignons magiques, dont le populaire Psilocybe cubensis. Au moins 20 études scientifiques sur l’usage thérapeutique de la psilocybine ont été réalisées ou sont en cours (25). Toutefois, ces recherches sont avant tout un phénomène récent; à l’époque où j’ai commencé à participer à des raves, la recherche sur ces substances était effectivement interdite. En 1994, parler ouvertement de ces sujets était un choix risqué.

Il n’y avait pratiquement aucun discours dominant sur ces substances qui n’était pas totalement biaisé par les fausses idéologies de la guerre contre la drogue. En 2018, le livre de Michael Pollan, How to Change Your Mind : What the New Science of Psychedelics Teaches Us About Consciousness, Dying, Addiction, Depression and Transcendence, a été un best-seller du New York Times. À l’heure actuelle, il existe un soutien scientifique et clinique considérable démontrant que les psychédéliques, dans un ensemble et un cadre idéaux (26), peuvent être de puissants médicaments de guérison.

Eris en mix pour Interdimensional Transmissions à Detroit à leur scène Movement. Photo par Brendan Gillen.

La MDMA et la culture de l’ecstasy

J’ai d’abord appris à connaître les raves au début des années 90 dans les médias. J’ai été attiré par les descriptions de ces rassemblements hippies futuristes qui figuraient dans les médias populaires. La vérité est que l’on me vendait une version eurocentrique de la culture dance gaie et noire qui venait d’émerger dans Chicago,  la ville que je considérais comme mon chez-moi (27).  La diffusion de la culture house est inexorablement liée au colonialisme et aux histoires colonialistes. Ce fait alimente un examen et une remise en question très légitimes des structures du pouvoir blanc sur la scène de la musique dance électronique, quelque 35 ans après que Ron Hardy ait mis son public en transe pour la première fois avec Acid Traxx.  La MDMA, la drogue connue sous le nom d’Ecstasy, a également joué un rôle important dans la diffusion de la musique house en dehors de la culture gaie et noire dont elle est issue.

Une synchronicité s’est manifestée au milieu des années 80, car à peu près au même moment où les premiers disques de house ont été importés en Europe, la MDMA est devenue pour la première fois facilement accessible dans les scènes underground. Bien que cette drogue ait été synthétisée pour la première fois par une société pharmaceutique allemande en 1912, elle n’est devenue une drogue récréative bien connue qu’à partir du deuxième « Summer of Love », terme utilisé pour décrire l’été 1988 lorsque la culture rave a explosé au Royaume-Uni. Les médias obsédés par la guerre contre la drogue se sont emparés de l’histoire et ont brossé un portrait sinistre des raves pour les médias grand public, ce qui a suscité une action législative et policière.  Par exemple, la presse a décrit la MDMA comme une drogue maléfique (28) et le gouvernement américain l’a inscrite à l’annexe I, la classification la plus sévère pour une drogue illégale, ce qui signifie qu’elle n’a aucune valeur thérapeutique acceptée et que sa possession est passible de la peine la plus sévère (29).

Près de 30 ans après l’émergence de la musique house et la réaction contre l’ecstasy et la scène rave (30), la FDA a désigné la psychothérapie assistée par la MDMA pour le TSPT comme une thérapie révolutionnaire. (31) Le gouvernement américain a autorisé la Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies à procéder à des essais de phase 3 (les derniers tests d’un médicament ou d’un traitement thérapie avant qu’il ne soit autorisé à être utilisé) sous cette rubrique. L’approbation si les essais sont concluants est prévue pour la fin de l’année 2022 ou 2023.

Selon la Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies (MAPS), la MDMA pourrait avoir le potentiel suivant : Nous étudions si la psychothérapie assistée par la MDMA peut aider à guérir les dommages psychologiques et émotionnels causés par les agressions sexuelles, la guerre, les crimes violents et autres traumatismes. Nous étudions également la thérapie assistée par la MDMA pour les adultes autistes souffrant d’anxiété sociale et la psychothérapie assistée par la MDMA pour l’anxiété liée à des maladies mettant la vie en danger.

En tant que personne trans et queer ayant vécu des traumatismes, j’ai trouvé que l’unité et la perte d’ego que j’ai vécues lors des raves sur la MDMA étaient extrêmement guérissantes. Ce sentiment est comme une sorte d’empathie universelle qui s’étend à des personnes que vous ne connaissez pas, à des personnes différentes de vous et surtout à vous-même. L’impact de la dance est une ouverture au contenu émotionnel de la musique et un sentiment d’unité avec les gens qui vous entourent. C’est l’idéal de la musique dance, aussi imparfaite qu’elle soit dans son exécution en raison des structures de pouvoir, de l’inégalité, du racisme, du sexisme, du capacitisme et de la transphobie.  Ces structures existent même si l’on a l’impression qu’elles s’effacent dans l’état mental catalysé par la drogue. Par conséquent, pour quelqu’un qui n’est pas enraciné dans une politique radicale, la MDMA pourrait ressembler à une panacée contre les maux de la société.  Comme je l’ai appris, la drogue n’est pas une panacée, mais la MDMA offre un aperçu d’une utopie improbable dont la résonance spirituelle durable peut être une force de motivation pour le changement, la guérison et la croissance.

La raison pour laquelle je pense que la MDMA est si puissante dans le contexte de la culture rave est qu’elle crée un sentiment de communauté sur la piste de danse. Dans la plupart des cultures, les rituels d’extase semblent être centrés sur les communautés. Le rituel sert à créer un mythe pour le groupe et renforce les valeurs de la collectivité. Il est évident que le fait d’avoir une expérience intense avec les autres vous lie à eux. Dans de nombreuses cultures, des rituels spécifiques signalent l’arrivée de la maturité.  Personnellement, je me suis toujours sentie comme une étrangère dans la société dominante. Je ne me sens généralement pas en sécurité lorsque je suis en présence de personnes cisgenres, à moins qu’elles ne soient mes alliées et mes amies les plus dignes de confiance.

Pour que les circonstances d’un rave soient pour moi une expérience positive, j’avais besoin de ressentir un sentiment de sécurité, d’appartenance et d’acceptation à un niveau de base. Quand on prenait de l’ecstasy et que les gens étaient décents, la fête n’était pas dérangeante et tout se passait bien, les choses qui nous divisent étaient en quelque sorte visibles comme des modalités construites d’oppression, de violence, de capitalisme et de préjugés. Ainsi, sous l’effet de la drogue, je pouvais pu me détendre suffisamment pour laisser entrer la musique en moi et danser comme je le voulais sans crainte de représailles. Toute ma vie, j’ai été punie par les autres pour ma féminité, de manières allant de la correction douce à la méfiance, en passant par l’intimidation pure et simple.  Avant de faire mon coming out, supprimer et gérer cet aspect de ma personnalité était un travail à plein temps en dehors des raves. Au sein de la musique, c’était différent. Je ressentais un sentiment de liberté, de connexion et d’émerveillement.

Lorsque des personnes marginalisées par la société dominante se sentent en danger aux raves ou subissent sur la piste de danse le type de harcèlement auquel elles sont confrontées dans leur vie quotidienne, c’est une sorte de blasphème, car ces marginaux sont à bien des égards la source de la musique, de l’énergie et de l’inspiration qui alimentent la scène. Lorsque ces choses arrivent à une personne alors qu’elle est sous l’influence d’une drogue comme l’ecstasy, le traumatisme peut être multiplié parce qu’elle se trouve dans un état de vulnérabilité supplémentaire et de dissolution de son ego. Les personnes qui organisent des événements ont une énorme responsabilité envers les participants. Les politiques anti-harcèlement sont un leurre si elles ne sont pas appliquées.  Par exemple, comment une personne racisée est-elle censée avoir une expérience spirituelle positive lors d’un rave si les blancs sont autorisés à danser impunément dans les festivals avec des coiffes en plumes et des dashikis?  Comment un party peut-il prétendre honorer la culture rave si le promoteur ne se soucie pas de rendre l’expérience accessible à une personne ayant des problèmes de mobilité ? La vérité est que nombre de responsables de la scène sont de riches hommes blancs qui n’ont qu’une relation très tangentielle avec les communautés d’individus vivant en marge de la société dominante et utilisant la musique pour créer de l’art, trouver leurs amis et se soigner.

Pluie de rave à 6h30 du matin après un rituel à Pickle Factory, Londres avec CCL b2b Eris Drew. Photo par Eris Drew.

Alcool

Lorsque j’étais au secondaire et que j’ai commencé à aller dans des raves, j’associais la boisson aux sportifs qui me brutalisaient (ne soyez pas désolé pour moi, un phénix est né de ces cendres!). Je me souviens avoir vu de l’alcool au seul rave auquel j’ai participé entre 1994 et 1996. Les autres raveurs m’ont dit que la consommation d’alcool se mélangeait horriblement avec les psychédéliques et la MDMA. Boire vous fait vous sentir plus puissant et moins empathique. Alors que les drogues dont nous avons parlé précédemment sont utilisées pour dissoudre l’ego, l’alcool fait le contraire. C’est probablement la raison pour laquelle les gens aiment tant boire. La mort de l’ego est une expérience incroyablement vulnérable, mais l’alcool vous donne le sentiment d’être invincible.

Au plus fort de la culture rave, l’Hacienda Club de Manchester a dû fermer ses portes, bien que toujours plein à craquer, en partie parce que tout le monde était tellement intoxiqué à l’ecstasy que le bar ne gagnait jamais d’argent avec l’alcool (32). Aujourd’hui, presque tous les événements auxquels je participe sont alimentés et financés par l’alcool. Mes premiers amis raveurs et moi-même pensons que l’alcool émousse la composante mystique et extatique de l’ecstasy et transforme la drogue en un délire plus rapide.

En effectuant des recherches pour cet article, je n’ai pas pu trouver une seule citation pour ce concept, car les discussions que j’ai trouvées sont centrées sur les dangers de mélanger l’alcool avec l’ecstasy, et non sur l’impact de l’alcool sur le composant de guérison de cette substance. Il semble que les premiers raveurs aient commencé à définir un ensemble de règles culturelles autour de la consommation d’ecstasy qui ont été rapidement érodées. Pour ce qui est de ma propre expérience, je me suis tournée vers les clubs à la fin des années 1990 et j’ai commencé à boire lors d’événements. J’aborderai cette période de ma vie plus en détail dans la prochaine section de l’article.

Directory Service x T4T LUV NRG Rave à LA. Photo by @Missingtextures.

Épreuve — cycles de sommeil, polyintoxication et éthique de base

De nombreuses pratiques spirituelles impliquent un certain type d’épreuve. Le jeûne, l’exposition et les poisons d’épreuve sont des techniques bien documentées. Une épreuve dans un contexte spirituel peut avoir de multiples objectifs, mais on peut dire de manière générale qu’une personne soumet son corps à une épreuve afin de calmer son ego et de concentrer son esprit. Dans certaines cultures, l’épreuve est un rite de passage. Pour beaucoup, le rave semble être le contraire d’une épreuve ou d’une pratique spirituelle ascétique. Qu’est-ce qu’une soirée amusante a en commun avec un ensemble de pratiques spirituelles dures et dévouées visant à atteindre des états supérieurs par l’abnégation, le dépassement de la douleur et le renoncement? En effet, de nombreux raveurs m’ont exprimé au fil des ans leur conviction que le rave est hédonique : une culture obsédée par la recherche du plaisir et l’évitement de la souffrance.  Et pour certains, c’est le cas.  Mais d’après mon expérience, les épreuves sont l’une des composantes les plus significatives de la boîte à outils du raveur spirituel. Un rave dure toute la nuit, jusqu’au matin. Il peut durer des jours. Les raveurs perturbent leurs cycles de sommeil dans le cadre de leur routine habituelle. Le jeûne pendant les événements est courant, bien que je soupçonne que la plupart des raveurs ne réalisent pas que cela fait partie de la magie. Par exemple, les préparations d’Ayahuasca sont traditionnellement administrées après une période de jeûne destinée à préparer le corps à l’expérience. Terrace McKenna a conseillé de toujours prendre les champignons l’estomac vide, de sorte que le voyage se déroule rapidement et intensément.  Les raveurs dansent pendant des heures sans manger et certains ne font jamais de pause. À la fin de la fête, on est souvent déshydraté, vide et privé de sommeil, tout en étant à la fois exalté, extatique et revitalisé.

De nombreux raveurs répètent ce processus chaque semaine, année après année, parfois à vie. Le bilan sur le corps est lourd. Groupe spécial connu pour le meilleur ou le pire comme les « monstres des enceintes », nous endommageons notre corps avec un certain degré d’intentionnalité en le plaçant directement devant les piles d’enceintes ou à l’intérieur des enceintes de basse.  Il est indéniable que le volume sonore des soirées est trop élevé pour une écoute sûre, même avec des protections auditives (que je recommande bien sûr parce que c’est au moins plus sécuritaire). Mais de nombreux raveurs veulent sentir le « motherbeat » bouger à travers nous. Nous voulons sentir le vent sortir des basstraps. Nous voulons ressentir un sentiment de purification et de renouvellement, car notre corps est à la fois puni et nourri par les ondes sonores. Nous voulons fixer les haut-parleurs comme un oracle, contempler le son et permettre à un processus de synesthésie de former des visualisations dans le néant, un canevas parfait pour les expériences hallucinatoires.

J’ai appris les techniques de speaker freaking lors des partys intenses du Midwest. Ces soirées mettaient en vedette des rythmes élevés et un sous-genre de musique dance hardcore importée du Royaume-Uni et conçue pour des trips intenses. Des morceaux comme Future of Latin (33) de Nino présentent des rythmes syncopés extrêmement rapides, des synthés qui tranchent le corps, l’émotion extatique pure des pianos et des voix recalibrées. Le Midwest avait sa propre version de la hardcore techno, plus dépouillée et industrielle. Un classique de l’époque est Techno Pagan Ritual de Woody McBride sur la maison de disque hardcore Communique (34). Les initiés du hardcore m’ont montré leur culture et leurs valeurs par l’action. Ils m’ont attiré. Un speaker freak se déplace à l’avant du rave. C’est comme la ligne de front; le premier point de contact humain pour la musique. Leur énergie est transmise au DJ dans le cadre d’un cycle énergétique magnifique et ineffable.

J’hésite à écrire la section suivante parce que ce n’est pas une pratique que j’encourage. Pour beaucoup de raveurs, la polyintoxication est la norme. Bien que j’aie abandonné cette pratique il y a des années, j’ai longtemps fait des expériences avec des combinaisons de drogues, dont certaines dangereuses (35).  Alors que mes premières années en rave étaient axées sur l’ecstasy et le LSD, les combinaisons de drogues se sont normalisées grâce aux boîtes de nuit et j’ai fini par passer à autre chose. Aujourd’hui, lorsque je vais à un festival ou à un club, de nombreux danseurs boivent et prennent une grande quantité de substances pendant le week-end. Il n’est pas rare de voir quelqu’un avec un sac de Molly dans une main et un verre dans l’autre. À une certaine époque de ma vie, une soirée pouvait être marquée par une forte consommation d’alcool, de cocaïne et de MDMA. Pour être honnête, c’était une période difficile pour moi et il est difficile d’en parler, mais je n’honore pas ma véritable expérience spirituelle en tant que raveur si je n’en parle pas. C’est ainsi que je vois les choses : je maltraitais mon corps pendant cette période de ma vie pour pouvoir, en quelque sorte, me détruire moi-même. Dans les moments de délire près de la mort, je savais que la seule façon de continuer à vivre est de me laisser vivre une vie ouverte en tant que personne transgenre.

J’ai dû laisser mourir ma personnalité adulte culturellement construite pour pouvoir sortir et me reconstruire. Dans ces états de polyintoxication et de désincarnation délirante, je me souviens de m’être regardée dans le miroir et de m’être vue. Cela peut sembler contradictoire, mais je pense que pour une personne transgenre, un certain degré de dissociation peut être un outil. Tout s’était réduit à un seul point de focalisation que je ne pouvais pas améliorer par l’intoxication. Ce délire induit par la drogue m’a permis de m’engager dans mon identité transgenre d’une manière que je ne m’étais jamais autorisée. Je me cachais et je m’étais retirée de tous les aspects de ma vie normale. J’ai atteint un point de rupture, et après presque quatre décennies sur cette planète, j’en suis sortie. Même si je ne veux pas que quelqu’un vive ce que j’ai vécu — ou ce que j’ai fait vivre à mes proches — je sais que sans ces expériences, vous ne seriez pas en train de lire ceci aujourd’hui. Une scène plus nourrissante, axée sur l’intégration de l’expérience du rave dans la vie quotidienne, un peu comme une cérémonie d’Ayahuasca est une expérience communautaire qui commence avant l’événement et se poursuit après, aurait pu être un chemin plus serein.

Le studio d’Eris pour le travail solitaire dans le New Hampshire, aux États-Unis. Photo par Eris Drew.

Des rituels de guérison privés créent un art curatif pour la piste de danse

Une grande partie des discussions du rave tourne autour des partys et des communautés qui s’y réunissent (36). Mais une grande partie de la culture de musique électronique est influencée par des expériences privées.  Mon travail de DJ, qui m’a fait me produire dans 30 pays au cours des deux dernières années, reflète les milliers d’heures que j’ai passées seule ou avec un ami, à mixer des disques chez moi, à danser, à me parer et à expérimenter des substances. Ma production musicale reflète les décennies de travail solitaire que j’ai commencé au début de mon adolescence. Avant de sortir, la seule fois où je portais les vêtements que je voulais, c’était lors de ces rituels privés. Pendant des années, je mettais une robe et laissais la puissance et la beauté de l’acte s’exprimer dans ma musique et les mouvements de mon corps. La définition qu’Eliade donne d’un guérisseur suggère un lien entre les guérisseurs magiques et les musiciens électroniques que je connais. Le « magicien, le médecin ou le chaman n’est pas seulement une personne malade, il est avant tout un malade qui a été guéri, qui a réussi à se guérir lui-même. » Je crois que le pouvoir de l’art curatif présenté lors d’un rave représente le travail de guérison privé des individus.

Parures, transsubstantiation et transsubstantiation

Dans de nombreuses cultures, les costumes et les parures font partie de la panoplie des guérisseurs. Selon Eliade, le costume représente au niveau le plus élémentaire « un microcosme religieux qualitativement différent de l’espace profane environnant. » (37) Par exemple, dans certaines cultures, les guérisseurs adoptent pour les rituels le costume des dieux animaux ou d’autres esprits.  Pour sa part, « le costume transsubstantie le chaman, il le transforme, sous les yeux de tous, en un être surhumain. » (38) La transsubstantiation est un acte rituel qui transforme la forme ou la substance d’une chose en quelque chose de différent.  C’est dans ce contexte que des anthologistes comme Eliade soulignent le pouvoir des guérisseurs travestis, androgynes ou féminisés sur le plan transculturel. (39) Pour un rationaliste européen blanc comme Eliade, le fait qu’une femme trans du 21e siècle porte une robe pendant un rituel représente-t-il un masque magique? (40) C’est une expérience étrange et dérangeante que de lire des articles sur des personnes qui auraient pu être comme moi décrites de cette manière.  Cependant, nous ne connaissons pas ces personnes dont on parle. Le genre est culturellement construit et nous ne pouvons donc pas vraiment savoir comment ces personnes se voyaient. Les descriptions qu’Eliade a faites de ces guérisseurs étaient-elles basées sur la façon dont il voyait le genre, dont ils se voyaient eux-mêmes ou dont ils étaient perçus par les autres membres de leur communauté ? Ces guérisseurs pourraient rejeter complètement ma compréhension de mon expérience du genre ou me dire que cela ne s’applique tout simplement pas à eux. Ils pourraient dire donner raison à Eliade pour son évaluation de leur identité et de leur rôle dans la culture.

Pour moi, mon expression du genre n’est pas un masque — de nombreux amis transgenres avec lesquels j’ai eu des conversations partagent également ce sentiment. Bien que je sois et que j’ai toujours été une femme transgenre, les gens considèrent-ils mon simple fait de m’habiller pour un spectacle comme une technique extatique de transsubstantiation par laquelle je deviens comme par magie le symbole de quelque chose que je ne suis pas?  Si je suis devenue, dans un certain sens, magique lorsque je portais des robes et du maquillage, c’est parce que je perturbais les systèmes de pouvoir que je transcendais les limites culturelles et que j’étais moi-même. C’était comme laisser sortir un pouvoir qui était déjà là et non pas manifester l’altérité par un acte de transsubstantiation. Je ne considère pas que je transcende ma nature, je considère que je transcende la programmation culturelle et les modèles matérialistes idéologiquement infectés du genre et du corps. Il est cependant indéniable que ma compréhension personnelle et radicale de ma transition en tant que processus essentiellement social n’est pas conforme à la vision du genre qu’ont la plupart des personnes qui viennent voir mes spectacles. Par conséquent, il est probable que les personnes étrangères à l’expérience considèrent les DJs et les musiciens transgenres comme accomplissant, dans un certain sens, un acte de transsubstantiation symbolique et radical.

Ces dernières années, j’ai considéré mon succès en tant que DJ et producteur transgenre comme un signe de changement social positif. Bien que cela puisse être vrai à certains égards, je suis frappée par le fait que j’ai pu être attiré par le DJing en raison de son lien avec un rôle social traditionnel tenu par des personnes qui ont eu, dans un certain sens, une expérience comme la mienne. Il est important de noter dans ce contexte que le guérisseur est un personnage marginalisé. (41) Pour certains guérisseurs qui sont touchés par la féminité, Eliade affirme froidement qu’ils ont « choisi […] le suicide ». (42) Selon lui, l’autre option est « l’initiation ». Pour le manang bali, le « commandement » de faire une transition de genre est accepté après avoir été reçu en rêve. Pour les Tchouktches, le commandement vient d’un ké let (esprit) qui parle depuis le corps lors d’un rituel de transe extatique. (43) Ma perception du battement dans le climatiseur en tant que « mother » (mère ou battement féminin) aurait-elle pu être liée à mon expérience de personne transgenre?

Eris’s record bag after the Tuf Till Dawn Rave in Seattle. Photo by Eris Drew.

Glossolalie, poèmes sonores et échantillons

Alors que certaines pistes de danse contiennent des chants pop, le morceau de house ou techno typique contient des voix désincarnées ou pas de voix du tout. Contrairement au Rock « n Roll, où la personnalité de l’interprète est au cœur de l’œuvre et de la manière dont cette personne est présentée et commercialisée, les voix de la musique house sont souvent échantillonnées et manipulées au point d’être méconnaissables. Les raveurs font de petites blagues sur ce qu’ils pensent que la voix dit dans un morceau parce qu’il y a inévitablement des désaccords et que nous savons que ce que nous entendons sur une chanson dance peut n’avoir que peu ou pas de lien avec la source réelle de la voix.  Pour un commentateur, il s’agit d’un Rorschach sonore, du nom de la célèbre tache d’encre utilisée en psychothérapie (44).

Par le processus d’écoute, le sens original de la voix est obscurci au profit de l’interprétation subjective du public. La manipulation des voix permet aux raveurs de considérer le contenu de leur psyché comme le reflet de ce qu’ils entendent dans la musique.

Pour les membres du dadaïsme, un mouvement artistique européen d’avant-garde du 20e siècle, les poèmes sonores ou “poèmes sans paroles” étaient un moyen utile de détruire le langage quotidien et de rendre à la voix son sens préculturel, irrationnel, teinté de sentiments; comme un bébé qui gazouille joyeusement sans syntaxe. Leurs poèmes étaient une métaphore de la dévastation causée par la Première Guerre mondiale et une critique de la tromperie du langage et de la société. Dans un nombre de traditions spirituelles bien documentées, les langues inconnues, appelées “glossolalie”, ont la fonction similaire de libérer la voix de la contrainte culturelle.

Par exemple, dans les traditions pentecôtistes, certains membres parlent en glossolalie pendant le point culminant le plus extatique d’un rituel religieux. L’acte de parler une langue inconnue signale la transition du locuteur hors du mode culturel et en la présence de l’Esprit saint (45). Mentionnons que de fortes doses de psilocybine et de diméthyltryptamine peuvent également stimuler une forme de glossolalie lors d’une intoxication. Les morceaux de musique dance contiennent souvent des mots réorganisés ou des phrases partielles sans syntaxe. Un bel exemple est le mix The Dub of Doom de Push the Feeling On des Nightcrawlers. Malgré le fait que la chanson n’ait pas de mots ou de syntaxe complets, le hook vocal réorganisé et absurde a propulsé la chanson du statut d’underground à un succès radiophonique mondial.

En tant que personne trans, j’ai trouvé beaucoup de liberté dans les chants de la musique dance. Et cette liberté va au-delà d’une libération spirituelle du sens syntaxique. Comme beaucoup de disques que je joue contiennent des voix échantillonnées, il y a une ambiguïté irréconciliable quant au sexe des locuteurs. Par exemple, une voix pourrait sembler masculine à l’auditeur, mais sans demander à l’interprète son sexe, comment le savoir ? La voix pourrait avoir été manipulée à l’aide de techniques de hauteur et de temps. L’interprète pourrait être une femme transgenre. C’est comme si la musique était un rappel à ne pas faire ces associations et ces suppositions contre des personnes que vous ne connaissez pas, ou contre des personnes qui ne sont pas là pour parler pour elles-mêmes. J’aimerais vivre dans un monde où les gens ne supposent pas qu’ils connaissent mon sexe en se basant sur une analyse grossière des formants de ma voix. C’est une expérience merveilleuse que de faire jouer des disques contenant des voix différentes et de les mélanger toutes ensemble. Grâce aux techniques d’échantillonnage et de mixage par collage, la relation entre le genre et la voix est perturbée.

Cependant, le genre n’est pas tout ce qui devient perturbé par l’échantillonnage. Lorsque l’échantillonnage perturbe les histoires raciales, il est très problématique. Si l’échantillonnage perturbe la culture comme le suggère le dadaïsme, il est aussi parfois un instrument d’oppression et de racisme, car il perturbe les récits noirs. À titre d’exemple, il existe quelques morceaux de dance électronique qui utilisent le célèbre discours “I Have A Dream” du Dr Martin Luther King.  Le Dr King a parlé en partie de concepts universels dans son discours, mais son message était fermement ancré dans la justice et la lutte des Noirs. Comparons l’artiste noir américain Larry Heard (M. Fingers) rendant hommage au Dr King (46 ans) à la chanson trance “I Have a Dream” de l’artiste blanc DJ Quicksilver (47). Je crois que ces exemples montrent qu’utiliser le message du Dr King déracine le sens de ses propos quand une personne blanche crée ou joue une chanson sur la liberté éprouvée en boîte de nuit. Par conséquent, les choix des DJ et des producteurs devraient être éclairés par l’analyse anti-harcèlement discutée précédemment si le raveurs et la musique associée doivent être un véritable appareil de guérison et non d’autres instruments de domination et d’oppression.

Une vision vers l’avenir

Tout au long de cet article, j’ai proposé des points de connexion entre le rave et d’autres rituels et pratiques spirituelles. La boîte à outils spirituelle du rave est un élément important qui explique pourquoi les raveurs sollicitent ces soirées pour guérir. Contrairement aux autres pratiques spirituelles identifiées dans cet article, le rave en est à ses débuts. L’énergie générée dans les clubs clandestins gais noirs des années 1980 a rapidement été réimplantée et appropriée. La culture des grands clubs et des festivals qui domine aujourd’hui la scène de la musique dance a adopté un modèle de divertissement qui consiste à délirer avec de grandes personnalités, des scènes hautes en couleur, des commandites d’entreprises et une prédominance d’artistes blancs hétéros sous les projecteurs. Alors que de nombreux outils extatiques de rave sont toujours présents à ces événements commerciaux, nous honorons les racines de la scène en remettant en cause le statu quo actuel.

La musique demeure un outil puissant de transcendance, mais la scène ne peut exploiter son plein potentiel de guérison sans de solides mesures en place pour la réduction des méfaits et la lutte contre le harcèlement. L’intoxication est omniprésente dans de nombreux événements. À cet égard, la scène ne pourrait pas être plus différente d’une cérémonie spirituelle traditionnelle utilisant des substances intoxicantes dans laquelle il y a une tradition culturelle d’utiliser ladite substance et un grand soin est pris par les praticiens pour former dans la préparation, la cueillette des plantes et le dosage. Parallèlement, la MDMA sera approuvée par la FDA dans le cadre d’un complexe thérapeutique incluant une expérience d’intoxication guidée par un conseiller.

Les régimes d’application de la loi ont rendu difficile pour les promoteurs de proposer des tests de dépistage de drogues, mais de plus en plus d’événements prennent le risque juridique. Des groupes comme Dance Safe proposent des tests de dépistage de drogues et des groupes comme le projet Zendo offrent des conseils sur place aux personnes ayant des expériences difficiles avec des psychédéliques et autres substances intoxicantes. Une cérémonie d’Ayahuasca peut être une expérience très difficile, mais le chaman qui a donné le médicament s’entraîne depuis des années sur la façon d’aider quelqu’un à la traverser. La leçon spirituelle est un acte d’intégration. Pour les raveurs qui, comme moi, ont entrepris de se fissurer en utilisant la boîte à outils disponible, l’intégration pourrait aider à prévenir de futures automutilations et à modérer les tentatives de réintégration de ces expériences dans la vie quotidienne. Quiconque organise des partys peut commencer à s’éduquer et à éduquer les autres en suivant la formation en ligne sur la gestion des expériences difficiles proposée par le projet Zendo.

***

Si la culture des clubs est un divertissement pour beaucoup, pour certaines personnes qui recherchent cette expérience, j’espère avoir démontré qu’elle est bien plus que cela. Il est difficile d’imaginer ma vie sans la musique, sans le groupe spécial d’amis dont je suis devenue proche grâce à la musique et sans la routine qui consiste à transpirer lors d’un party. Je continue à utiliser les champignons comme un outil de transcendance, de connexion et de création parce que je continue à tirer beaucoup de ces expériences et, en outre, parce que la guérison extatique n’est pas une expérience ponctuelle. Une vie de raveur peut être dure pour le corps, mais elle est facile pour l’âme. J’espère que la scène s’efforcera d’exploiter son potentiel de guérison d’une manière qui respecte les racines de la scène et les personnes qui comptent sur ces partys comme un rituel essentiel dans leur vie.

Note de fin de texte : je tiens à remercier Q, mon partenaire et mon amour qui m’a fait part de ses précieux conseils et suggestions qui ont été intégrés dans ce travail. 

Illustration par Samantha Garritano

Notes

(1) Par example, les fêtard.es à “Pollination” le 21 mai 1994, étaient invité.es à «s’ébattre» dans le Phunk-E Phresh 40 K Watts Flowerbed of Bass.”  Voir flyers de la scène rave du Midwest ici: http://www.self-titledmag.com/yann-novak-feature-needle-exchange-mix/.   

(2) Voir: Lawrence, Tim, “Love Saves the Day”, Duke University Press, 2003 at pp. 87-104.

(3)  Id. Ma grand-mère portoricaine et mexicaine me dit toujours que je suis «latine». En tant que femme blanche d’ascendance mixte qui a utilisé la musique pour essayer de se connecter à cette partie d’elle-même et à l’histoire de sa famille, j’ai des sentiments mitigés sur le terme «latino-américain» parce qu’il est eurocentrique, et en tant que tel peut être visionné comme la négation des histoires familiales autochtones. Voir Simón, Yara, “Hispanic vs. Latino vs. Latinx: A Brief History of How These Words Originated”.

(4)  Lawrence pages 199-124.

(5) Voir publicité Roland avec Oscar Peterson.

(6) Voir Propellerhead Interview with DJ Pierre.

(7) Eliade, Mircea, “Shamanism: Archaic Techniques of Ecstasy,” 1964, citant l’édition de 1992 de Princeton University Press, p. 168. Une remarque importante concernant la terminologie d’Eliade : à partir du 20e siècle, avec des anthropologues comme Eliade, l’utilisation du mot «chamanisme» pour décrire un ensemble diasporique de pratiques extatiques dans le monde entier est appropriée car le mot «chamanisme» appartient au peuple autochtone de Sibérie. Par conséquent, j’essaie d’utiliser autant que possible des adjectifs et des verbes anglais couramment utilisés (extatique, transe, magie, drone) pour décrire les pratiques de guérison extatiques comme un ensemble d’outils que l’on trouve partout dans le monde.

(8) Id.

(9)  Henderson, Katie, “Shamanic Drumming”.

(10)  Voir Pengelley, Heather, “What’s the Science Behind Shamanism”, 9 juillet 2020 (rassemble et résume les recherches disponibles).

(11)  Voir “The Science of Brainwaves, the Language of the Brain”.

(12) Enfant, ces images me remplissaient d’émerveillement, adulte, je reconnais que les costumes utilisés ne reflètent pas exactement la ligne du temps humaine.

(13) Mandala est le mot sanskrit qui signifie «cercle». «Dans diverses traditions spirituelles, les mandalas peuvent être utilisés pour focaliser l’attention des pratiquants et des adeptes, comme outil de guidance spirituelle, pour établir un espace sacré et comme aide à la méditation et à l’induction de la transe. Dans les religions orientales de l’hindouisme, du bouddhisme, du jaïnisme et du shintoïsme, il est utilisé comme une carte représentant les divinités, ou spécialement dans le cas du shintoïsme, les paradis, les kami ou les sanctuaires réels» (Wikipédia). Je n’ai pas trouvé de mot en anglais pour décrire ce que je vois dans un état de transe, c’est pourquoi j’utilise ici le terme mandala à titre d’illustration. Je n’ai pas l’intention d’insinuer que mon expérience de raveuse est une voie alternative aux réalités auxquelles ces religions accèdent. Il peut en fait y avoir un certain lien, mais il serait naïf et approprié pour moi de supposer que le contenu de l’expérience est le même.

(14) «Gnose» est le mot grec qui signifie «connaissance». Il est utilisé dans le contexte de la compréhension des mystères spirituels.

(15) «La durée moyenne des chansons sur le Billboard Hot 100 a diminué de 20 secondes au cours des cinq dernières années.  La durée moyenne des chansons est maintenant de 3 minutes et 30 secondes». Sanchez, Daniel “Pop Songs Have Become Significantly Shorter Over the Past 5 Years”, 18 janvier 2019.

(16) Oliveros, Dempster, Paniotis, “Deep Listening”, New Albion, 1989. Voir aussi here.

(17) Voir https://news.rpi.edu/content/2016/11/30/remembering-deep-listener-pioneer-pauline-oliveros.

(18) À la fête typique il fait très chaud. J’appelle l’humidité qui s’écoule du plafond «pluie de rave». Un raver n’a pas besoin de danser pour transpirer. Le développement de ce qu’on appelle la «chaleur magique» est une technique utilisée dans de nombreuses pratiques spirituelles. Voir, en général, Eliade, p. 474-475. Les échantillons de musique de danse et les mèmes sont pleins de références à la chaleur interne. Voir, par exemple, l’hymne Hardcore Burnin’ Up de 1992 de la Rhythm Section.

(19) Par exemple, lors d’une cérémonie traditionnelle d’Ayahuasca, le guérisseur joue d’un hochet (qui a les mêmes fonctions que le tambour) et se déplace dans le cercle, mais les participants restent souvent assis ou immobiles pendant le rituel. Les participants se concentrent sur le son, les images et le chant de l’Icaro, mais ne bougent pas nécessairement ou ne dansent pas.

(20) Voir, e.g., Eliade, p. 217, discutant des traditions chez les Tatars et Buryat. 

(21) Eliade, p. 223.

(22) Comparez ces substances à l’Ayahuasca psychédélique, qui est une technologie autochtone. Les guérisseurs s’entraînent pendant des années pour préparer correctement le breuvage de l’Ayahuasca à partir de plantes. Je n’ai jamais vu une préparation d’Ayahuasca à une Rave.

(23) Barker, Stephen A., “N, N-Dimethyltryptamine (DMT), an Endogenous Hallucinogen: Past, Present, and Future Research to Determine Its Role and Function”.

(24) Voir Eliade, pp. 220, 223, 228, 278, pour des exemples de cultures qui utilisent des champignons dans des rituels extatiques.

(25) See the MAPS (Multidisciplinary Association for Psychedelic Research) website.

(26) «Set» et «setting» est une terminologie psychédélique qui reconnaît que l’environnement de l’utilisateur («setting») et son état psychique actuel («mind-«set») ont un impact considérable sur le contenu de l’expérience psychédélique.

(27) Voir, par exemple, l’entretien avec DJ Pierre, déjà cité.

(28) Disponible ici.

(29) Voir “MDMA (Ecstasy) Abuse Research Report”.

(30) La réponse législative, exécutive et judiciaire a été de vilipender les Raves et de rendre très difficile et très dangereux pour les Ravers de mener leurs rituels.  Par exemple, l’Ordonnance sur les raves de Chicago a rendu illégal le fait que les fêtes se déroulent au-delà de 2 heures du matin sans une licence très restrictive pour les lieux publics de divertissement. L’ordonnance prévoit des amendes allant jusqu’à 10 000 dollars pour les promoteurs, les propriétaires de lieux et les DJ. Voir Obejas, Achy et Townsend, Audarshira, «Raves Rock On, Laws or Not», Chicago Tribune, 22 mai 2000.

(31) Voir le 26 août 2017 MAPS Press Release.

(32) Tony Wilson, «24 Hour Party People» FAC424 (2002).

(33) Production House (1992). Nino est le nom de production de Terry «Juice» Jones, l’un des artistes les plus transcendants et les plus étonnants du hardcore britannique.

(34) Communique (1994), disponible ici.

(35) Par exemple, le cocaéthylène (CE) est un métabolite toxique et dangereux qui se forme après la consommation simultanée de cocaïne et d’éthanol. Voir l’article intitulé «Patients with detectable cocaethylene are more likely to require intensive care unit admission after trauma» 18 sept. 2009.

(36) Un grand merci à mes cher.es ami.es de longue date avec qui j’ai joué lors de sessions privées!

(37) Eliade, p. 147.

(38) Eliade, p. 168.

(39) Voir, par exemple, Elide, p. 125 n. 36, p. 258 (reprenant les exemples des Chuckchee, Kamchadal, Inu asiatiques, Korak, manang bali de la mer Dyak, Patagoniens, Araucaniens, Araphaho, Cheyene, Ute).

(40) Id.

(41) Voir, par exemple, Eliade, p. 351, qui parle de la «moquerie» des chamans qui s’habillent et vivent le style de vie d’une femme en dehors du contexte cérémonial.

(42) Eliade, p. 258.

(43) Eliade, p. 255.

(44) EMD, “Sonic Rorschach: Dance Music as Collage and Its Dancing Subjectivities”.

(45) Voir Glossolalia.

(46) Mr. Fingers, “Can U Feel It? (Dr. Martin Luther King Jr. Mix)”, Trax Records.

(47) Voir Who Sampled ici.

About the Author

Eris Drew est une DJ, productrice et femme transgenre extatique, originaire des prairies de l’Illinois, aux États-Unis. Elle dirige le label T4T LUV NRG avec sa partenaire b2b, Octo Octa. Eris a également sorti des disques sur Naive Records au Portugal et dirige les Rites psychédéliques du Motherbeat dans différents lieux, notamment Hot Mass à Pittsburgh, TUF à Seattle et Room 4 Resistance à Berlin. Eris joue et programme les synthés depuis son enfance. Résidente de longue date au Smart Bar de Chicago et DJ pour Bunker NY, elle a commencé à mixer des disques en 1994 à l’âge de 18 ans. Ses expériences de musicienne et de Raveuse lui ont montré que la rave est un appareil puissant qui peut être utilisé pour transformer les vies individuelles et les communautés.

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