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In Spirit: Art of Seeing

Written by

Mariette Raina
September 15th, 2016

I enter a space that I know. My view is veiled by habits that made me take for granted the space, a place that I ended up not seeing anymore. The scent of India comes back, its light and architecture.  It is art of space — an echo between two cultures, yet so different.

It is summertime and  I am staying at the old house of my grandparents lost in the mountains of the French Alpes. When I was a kid it is here that I learnt that art starts by seeing. In the artist’s house, one can feel that each object had consciously been placed, each element owns its place in the room from the teapot to the chair, to the books and the colored bottles. The tables of solid wood had been given a patina by years of meals. They are not those Ikea’s tables that modern people buy, use for a few years, and abandon on the side of the pavement when they move. The wood is alive, and its wooden finish reflects both a history and “savoir-faire”, in the same way as are the  swings and antique doors from India.

Je rentre dans un endroit connu. Le regard voilé par l’habitude me fait prendre pour acquis ce décor, cette place connue que j’avais fini par ne plus voir. Le parfum de l’Inde remonte, ses jeux de lumière et son architecture, son art de l’espace. Un écho entre deux cultures pourtant si différentes.

C’est l’été, je suis dans les Alpes françaises dans la vieille maison de mes grands-parents perdue au milieu des montagnes. C’est là que, enfant, j’ai appris à voir que l’art commence par le regard. Dans cette maison d’artiste, on peut sentir que chaque objet a été posé sciemment, chaque élément possède sa place dans la pièce. De la théière à la chaise, en passant par les livres et les bouteilles colorées. Les tables de bois massif ont été patinées par des années de repas. Ce ne sont pas ces tables Ikea que tous les gens modernes achètent aujourd’hui, utilisent quelques années puis abandonnent au bord d’un trottoir lors d’un déménagement. C’est un bois vivant dont la finition respire le savoir-faire et l’histoire, de même que ces balançoires ou portes anciennes que l’on trouve en Inde.

Art is above all love for the texture and a “savoir-faire”, where time is imposed by the element that the artist is working. It is a work of listening, where the person has to disappear to herself. Some pieces from everyday life are a reminder of  the aimlessness of art, like those lotuses sculpted in the stone above chapati plates — ugly and worn out from the outside, on which women cooks many hours per day. Art is not personal.

L’art, c’est d’abord l’amour de la matière et d’un savoir-faire, où le temps est imposé par l’élément que l’artiste travaille. C’est un travail d’écoute, où la personne doit disparaître à elle-même. Certaines oeuvres mêmes de la vie quotidienne rappellent la gratuité de l’art, comme les lotus sculptés dans la pierre sous les plaques à chapati indiennes, extérieurement laides et usées, utilisées par les femmes plusieurs heures par jour. L’art est impersonnel.

Sometimes, at the end of the day, the light comes through the windowpane and spreads on the wall, giving objects their full form. The space to volume relation becomes an ode to the aesthetic. The space is inhabited. The space is awake. It breathes, possess a substance in which the body moves. Like the katas of martial arts or yoga, those traditional art forms incorporate these principles. The space is a sacred geometry that , from the object to the art of the body, is also found in certain architecture such as Hindu temples. This geometry is the representation in space of the traditional teaching.

Korean art speaks about the line, the one that teaches that everything points towards absence. The art of the Japanese sabre and that of the bow converge toward the same resonance; finding the natural cadence of the body and of the space that becomes one. In this traditional space, the body of the practitioner and the artist’s art piece are identical in their nature. They come back to what is beyond the personal self.

This is what is called the sacred art. The murals and the paintings of certain traditions do not only display the main deities, but also the shamans and the energies of the phenomenal world that are named differently according to the iconography: Hindu (yoginis, ganas, pretas), Buddhist (dhaikinis), Muslim (jinns). Likewise, some folk art pieces are not made by artists but rather by peasants, such as the Korean paintings that were hung on the outside walls of the houses for protection, well known for their crazy-eyed tigers.

Parfois, la lumière rasante de fin de journée traversant les fenêtres vient s’étaler sur le mur, donnant aux objets leurs formes pleines. Les rapports d’espace et de volume deviennent une ode à l’esthétique. L’espace est habité. L’espace est vivant. Il respire, il possède une substance dans laquelle le corps se meut. Comme les katas des arts martiaux ou le yoga, ces arts traditionnels intègrent ces principes. L’espace est une géométrie sacrée qui, de l’objet à l’art du corps, se retrouve aussi dans certaines architectures comme les temples hindous. Cette géométrie est la représentation dans l’espace de l’enseignement traditionnel.

L’art coréen parle de la ligne, celle qui enseigne que tout pointe vers l’absence. L’art du sabre japonais et celui de l’arc convergent vers une même résonance; trouver la cadence naturelle du corps et de l’espace qui ne font qu’un. Dans cet espace traditionnel, le corps du pratiquant et la pièce d’art de l’artiste sont identiques dans leur nature. Ils ramènent à ce qui est au-delà de la personne personnifiée.

C’est là que se nomme l’art sacré. Les murales et les peintures de certaines traditions ne représentent pas seulement les déités principales, mais aussi les chamanes et les énergies du monde phénoménal qui sont appelés différemment selon que l’on se trouve dans l’iconographie hindoue (yoginis, ganas, pretas), bouddhiste (dhaikinis), musulmane (jinns). De même, certaines pièces d’art folk ne sont pas faites par des artistes, mais par des paysans, telles que les peintures coréennes qui étaient pendues sur les murs des maisons comme protections, célèbres pour leurs tigres aux yeux fous.

The mundane object points out toward the object, while the sacred object points out toward the absence of things. The object finds its right place in the room where it evoks emptiness. Chinese paintings often represent wide landscapes where a small boat or even a silhouette is only here to give the scale of the immensity, underlying the emptiness of space. A traditional master used to say that an object has found its place in a room when it becomes invisible, meaning that it is not seen anymore but that it cuts out the space. Some testimonies recall that this description is not a metaphorical concept, but an actual experience that can naturally happen in a certain openness: the eyes no longer see the object, but the space cut out by the form of the object, such as it is represented by Jains bronzes.

L’objet profane pointe vers l’objet, alors que l’objet sacré pointe vers l’absence. L’objet trouve son espace dans la pièce lorsqu’il évoque le vide. La peinture chinoise représente souvent de larges espaces avec une petite barque ou encore un personnage qui sont là pour donner l’échelle de l’immensité, sens à l’espace. Un maître traditionnel expliquait que l’objet a trouvé sa place dans une pièce lorsqu’il devient invisible: on ne le voit plus, il permet découpe l’espace. Certains témoignages racontent que cette description n’est pas un concept métaphorique, mais bien une expérience actuelle qui peut s’imposer dans une certaine disponibilité: le regard ne voit alors plus l’objet, mais l’espace découpé par la forme de l’objet, comme le représentent certains bronzes jaïns.

Sacred music or poetry points toward silence, and the dancer dances to reveal the space and unveil emptiness. Sacred art brings back to oneself, offering the space to the spectator to see the emotion rising inside him. Abhinavagupta (Kashmirian master of the 11s century) writes that theatre does not aim to display anything, but to reveal the emotion within the viewer. Sacred art brings back to absence, this same absence from which art comes from and to which the art piece, and its process of creation, return. Sacred art does not know time, space, or culture. If the wording and composition are cultural within time, it will always tend toward the same meaning and internal experiences.

La musique sacrée ou la poésie pointe vers le silence, et le danseur danse pour révéler l’espace et le vide. L’art sacré ramène à soi-même, offrant l’espace pour que le spectateur regarde l’émotion qui est en lui. Abhinavagupta (maître du Cachemire au 11ème siècle de notre ère) écrit que le théâtre ne cherche pas à démontrer quelque chose, mais à révéler l’émotion chez le spectateur. L’art sacré ramène à l’absence, cette même absence dont l’art provient et auquel l’objet d’art et la création retournent. L’art sacré ne connaît pas de temps, d’espace et de culture. Si sa formulation en mot ou en image est culturelle à travers le temps, il tend vers les mêmes significations et expériences internes.

From the raw stone to the sculpture, from  the knot of the stump to the conceived object, the nature and the object echo each other within a dance of forms and colors, reminding us the place of human beings in this world: servant worshiping life in its expressions.

The artist’s eyes are loving eyes. The sculptor explains that nothing is created, but everything is unveiled. The stone teaches the sculpture to reveal itself, hence the sculptor never imposes. The traditional artist is listening.

De la pierre brute à la sculpture, du noeud de la souche à l’objet conçu, la nature et l’objet se font écho dans une danse de corps, de formes et de couleurs, nous rappelant la place de l’être humain dans le monde: serviteur célébrant la vie dans ses expressions.

Le regard de l’artiste est un regard amoureux. Le sculpteur explique que rien ne se crée, mais que tout se dévoile. La pierre enseigne la sculpture qui se révèle, le sculpteur jamais n’impose. L’artiste traditionnel est écoute.

Photos : ritual bells and badami temple, 5th century, Karnataka India / chapati plate with lotus, 18th century, North India / Artist house / Tiger, Korean folk art / Master Mehmet Siyah Kalem’s work representing seated demons / Jains 16th and 19th century, Musée Asiatica, Biarritz France / Artist Garden / carved buddha in stone, China, Musée Asiatica, Biarritz France

Thanks to the musée Asiatica for opening their collection to our article, with the kind authorization of M. Michel Postel. Thanks to Eric Baret for our exchanges about art.

Photos : Cloches rituelles et temple de Badami, 5ème siècle, Karnataka Inde / Plaque à chapati avec lotus, 18ème siècle, Nord de l’Inde / Maison d’artiste / Tigre, Art coréen folk / Maitre Mehmet Siyah Kalem, représentant des démons assis / Jaïns 16ème et 19ème siècle, Inde du Nord, Musée Asiatica, Biarritz France / Jardin d’artistes / Bouddha creusé dans la pierre, Chine, Musée Asiatica

Merci à la musée Asiatica pour l’ouverture de leur collection pour les photos de notre article, avec l’aimable autorisation de Monsieur Michel Postel. Merci à Éric Baret pour nos échanges sur l’art.

Mariette has a master degree in anthropology from the University of Montreal. She teaches yoga enlined with the philosophy of non dual tantric saivaism from Kasmir. She is regularly travelling to India to follow up her research on esoteric traditions from the Tantras.

Mariette est diplômée d’un master en anthropologie de l’Université de Montréal. Elle enseigne le yoga dans la ligne de la philosophie du sivaisme tantric non-duel du Cachemire. Elle voyage régulièrement en Inde pour poursuivre ses recherches sur les traditions ésotériques des Tantra.

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